Débarrassons-nous des «présidents monarques»

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -
Parmi les intentions les plus louables affichées par François Hollande, il y a celle de démocratiser la fonction présidentielle – de la « normaliser ». Hélas, il rate déjà l’occasion de passer à l’acte. Il n’y a rien de plus inutile, de plus anachronique que cette cérémonie prétendument républicaine et qui, en fait, réunit le pire de la tradition monarchique et de sa dégénérescence bonapartiste. Les roulements de tambour, les coups de canon, les tapis rouges, la remontée des Champs-Elysées: tout cela ne sert qu’à installer le président sur son trône virtuel. On rêve d’une passation de pouvoirs sans pompe ni caméras. Sur ce plan-là, le changement, ce n’est pas maintenant.
On peut objecter qu’une fois que la cérémonie est terminée, rien n’interdit au président d’exercer le pouvoir d’une façon moins monarchique.
Rien ne l’y oblige non plus – c’est le problème. En France, le président a entre ses mains la réalité et la symbolique du pouvoir – sous la monarchie, on parlait des « deux corps du roi ». Aussi bien les textes que les usages laissent une marge immense à son « bon plaisir ». Autrement dit : l’exercice démocratique de la fonction repose sur son éthique personnelle. La gauche, jusqu’à François Hollande inclus, a toujours dénoncé ce risque. Mitterrand a dit : « Ces institutions étaient dangereuses avant moi, elles le seront après moi. » En réalité, elles sont restées dangereuses avec lui – et avec ses successeurs. L’intronisation à grand spectacle du nouveau président montre que l’ambigüité demeure entre l’aspiration démocratique et la pratique monarchique.
Il y a quand-même eu des avancées : le quinquennat, la limitation à deux mandats présidentiels. Est-ce que François Hollande doit aller au-delà ?
C’est indispensable – il l’a d’ailleurs promis. Encore que dans son projet, hormis l’abrogation du statut pénal, il en reste à de vagues proclamations sur le renforcement du Parlement. Mais il ne parle pas de supprimer l’article 49.3, qui permet au gouvernement de faire pression sur sa majorité ; ni d’abroger l’article 16, qui donne les pleins pouvoirs au président en cas de crise grave – c’est la 1ère fois qu’un projet de gauche ne le mentionne pas. Et pas un mot non plus sur la limitation du champ des nominations présidentielles – plus vaste que dans toute autre démocratie. C’est pourtant à ces signes-là qu’il faudra mesurer la volonté réelle de François Hollande de contenir le présidentialisme. Personne ne lui demande de renverser le régime ; il doit au moins renverser les pratiques.
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