En oubliant le PC, Hollande marque un but contre son camp

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC. - -
François Hollande aime le football, on le sait. Au football, on dirait qu'il est allé jouer à l'extérieur en accordant un entretien à ce journal anglais (The Guardian) : son objectif était clairement de rassurer les dirigeants britanniques avant sa visite à Londres, particulièrement les milieux financiers, qui ont frémi en l'entendant déclarer la guerre au « monde de la finance » dans son discours du Bourget. Le résultat, c'est que sa petite phrase sur la disparition des communistes a peut-être été apaisante à Londres, mais elle a beaucoup irrité à Paris - elle a même provoqué des rougeurs au PC (ce qui est bien le moins) et Jean-Luc Mélenchon s'est empourpré (ce qui est habituel). Au-delà des postures des uns et des autres, c'est une vexation qui peut laisser des traces. François Hollande n'a pas commis beaucoup d'erreurs jusqu'à présent, en voilà une.
Ce qu'il a dit, c'est qu'il n'y a pas de raison de craindre un retour de la gauche et que la situation a changé par rapport à 1981, quand les communistes étaient au gouvernement... Il a tort ?
Son constat est juste, mais il a évidemment un sens politique - surtout quand il se flatte que la gauche au pouvoir ait « libéralisé l'économie et ouvert les marchés à la finance ». Bien sûr que le PC n'est plus ce qu'il a été, mais le dire de cette façon (même s'il a atténué dans un deuxième temps), il est logique que ça semble une provocation à ceux qui soupçonnent déjà François Hollande de négliger sa gauche pour préparer une alliance au centre. Et ça offre une occasion idéale à Jean-Luc Mélenchon pour dénoncer le double langage du PS. Sans doute que derrière ce mot malheureux, il y a chez François Hollande le sentiment de dominer son camp : le vote utile joue pour lui et les sondages montrent que le vote ouvrier lui est bien plus favorable qu'à Mélenchon. Mais il y a aussi ce qui est son défaut habituel : l'autosatisfaction, la vanité même. N'est pas François Mitterrand qui veut.
Justement, cette position vis-à-vis des communistes, est-ce que ce n'est pas tout simplement l'héritage de François Mitterrand ?
C'est sûrement comme cela que l'entend François Hollande. Encore faut-il rappeler que Mitterrand a réussi à réduire puis à marginaliser le PC en l'obligeant à s'allier avec lui, sur un programme commun de gouvernement puis sur une liste de grandes réformes sociales. C'est l'expérience gouvernementale qui a tué le PC. La phrase de François Hollande, si on l'entend bien, signifie que s'il l'emporte, il n'y aura ni grand projet social (ça, on l'avait compris, mais il est vrai que la crise l'interdit) ni ministres communistes. Donc si ce n'est pas le refus explicite de tout accord avec le Front de gauche, ça y ressemble énormément. Or Georges Marchais a fait 15 % en 1981 et Mitterrand ne pouvait pas s'en passer. Rien ne dit que François Hollande pourra se passer d'un Mélenchon à 8 ou 10 %.
Vous croyez qu'il fait le pari que Jean-Luc Mélenchon sera obligé de le soutenir au second tour ?
C'est certain - et, sur ce point, il a raison. Seulement Mélenchon dit bien qu'il ne bradera pas ses propres positions. Il dit aussi que ce sera à François Hollande de convaincre les électeurs du Front de gauche qu'ils ont intérêt à voter pour lui. Dans cette perspective, son interview anglaise n'est pas du meilleur effet. On ne peut pas être en même temps le candidat de la City et le candidat des cités.
Ecoutez ci-dessous le "Parti Pris" d'Hervé Gattegno de ce mercredi 15 février 2012 :