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Faut-il supprimer le Sénat? Ça fait débat sur RMC

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Alors que le pays traverse une crise des institutions, avec la crise des "gilets jaunes", certains pensent que le Sénat n'est pas une chambre indispensable alors que les sénateurs ont certains avantages qui dérangent.

C’est un héritage de la période du Directoire qui, aujourd’hui, est remis en question. Faut-il supprimer le Sénat? Juste après la Révolution, les grands penseurs politiques et les citoyens eux-mêmes ont considéré ce conseil des Anciens comme indispensable. Une sorte de contre-pouvoir conservateur aux ardeurs progressistes des députés. Un principe est alors érigé: sans le Sénat, rien ne se fait, rien ne se décide.

Et c’est encore le cas aujourd’hui, le Sénat conserve deux grandes missions: il corrige la loi et il contrôle le gouvernement. Il peut aussi se saisir d’affaires publiques, s’organiser en commission d’enquête. C’est d’ailleurs demain que les sénateurs rendent leurs conclusions au sujet d’Alexandre Benalla.

Beaucoup d'avantages

Mais depuis le début de la Ve République, l’institution est contestée. Charles de Gaulle, dès 1969, en parlait comme d’une "erreur" démocratique dotée "d’un privilège exorbitant: celui de tout bloquer". Aujourd’hui, six Français sur 10 sont pour sa suppression. Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à Paris 8, l’explique simplement. 

"Il est ressenti comme les citoyens et à juste titre comme une instance relativement éloignée, poussiéreuse. Le remplacé par exemple par une chambre tirée au sort parmi les citoyens, représentant les générations à naître, ça amènerait une beaucoup plus grande représentativité des expériences sociales de la population. Aujourd’hui, le Sénat est recruté dans une toute petite partie de la population qui a peu d’idée de ce que vit la majorité des Françaises et Français", explique-t-il.

Il y a actuellement 348 sénateurs, élus par de grands électeurs au suffrage universel indirect. Ils bénéficient d’une indemnité de 7239€ brut par mois d’un système de retraite complémentaire, une couverture chômage pendant trois ans, une garantie obsèques, une carte SNCF prépayée, un service chauffeurs, 40 aller-retour en avion, quatre lignes de téléphones, deux fax, un coiffeur, un médecin, des photographes, une poste, une cantine de chef à 16€45 le menu. De nombreux avantages critiqués pour la forme. 

"Le Sénat a sa place dans la République"

Mais il y aussi un problème de fond. Celui de la représentativité. Au Sénat, les départements les moins peuplés pèsent deux fois plus que les départements les plus peuplés. "Et alors ?", répond Julien Bargeton, sénateur en Marche de Paris. Pourquoi s’en priver au moment où les gilets jaunes pointent ce sentiment d’abandon des territoires?

"Le Sénat a sa place dans la République. Lorsqu’il n’y a eu qu’une chambre en France les régimes ont plutôt mal fini. Le bicamérisme apporte parce que le Sénat enrichi les textes. Il est paradoxal de proposer la suppression du Sénat au moment où le mouvement des ‘gilets jaunes’ a mis en avant le problème de la fracture territoriale et le besoin de proximité. Au sénat, la ruralité est surreprésentée et c’est d’ailleurs fait exprès dans le mode de scrutin", affirme le député. 

Ailleurs, dans le monde, presque tous les systèmes démocratiques s'inspirent du modèle français. Ils comptent eux aussi pour beaucoup une Assemblée et un Sénat ou leurs équivalents. Mais quelques pays fonctionnent avec une seule chambre comme la Finlande, le Portugal, la Norvège, la Suède ou encore la Nouvelle-Zélande.

Matthieu Rouault avec Guillaume Descours