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Fillon : à scorpion, scorpion et demi !

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François Fillon a fait sensation hier mardi en appelant les députés de l’UMP à faire bloc derrière Nicolas Sarkozy évoquant « des interrogations » sur la stratégie du chef de l’Etat. Lapsus ou sabotage ?

Avant cette petite phrase malencontreuse, François Fillon s’était signalé, lundi, en désignant d’un néologisme inattendu le mal dont souffrirait François Hollande et qui l’entraînerait à dénigrer la France, à sous-estimer ses atouts : la « scorpionite » – un instinct destructeur qui pousserait à s’empoisonner soi-même, comme le scorpion. Trivialement, on dirait : se tirer une balle dans le pied. Ou marquer un but contre son camp. En entomologiste du pouvoir, Fillon a préféré cette métaphore plus venimeuse. Eh bien il a succombé hier au même mal : il a retourné l’aiguillon contre son camp – en l’occurrence contre Nicolas Sarkozy. Et il l’a fait dans un discours censé appeler au rassemblement. On pourra en déduire que c’est son inconscient qui a parlé. Ou simplement qu’il n’a pas pu s’en empêcher…

Fillon déloyal envers Sarkozy ?

Disons qu’il ne lui rend pas service. Nicolas Sarkozy a devant lui une campagne très difficile. Il doit prendre des risques pour refaire son retard sur François Hollande, mais il est obligé de prendre des mesures impopulaires parce que si la situation économique se dégrade, c’est lui qui en paiera le prix. Il y a donc un gros écart dans les sondages qui le condamne à un grand écart dans sa stratégie. Que François Fillon choisisse le moment où il essaie de lancer des réformes difficiles – comme la TVA sociale – pour officialiser, même dans une périphrase, l’existence d’une contestation dans la majorité, on ne peut pas dire que ce soit d’un grand secours pour Nicolas Sarkozy. La réalité, c’est que la loyauté n’est pas le fort de François Fillon. Et qu’il y a, entre les deux hommes, beaucoup plus de contentieux qu’on ne le dit.

5 ans à Matignon: un bilan honorable

François Fillon a tendance – c’est humain – à penser que c’est surtout à lui-même qu’il le doit. Si on observe le quinquennat de Fillon, on s’aperçoit que, plus qu’aucun de ses prédécesseurs, il a régulièrement cherché à marquer son territoire, son autonomie. Il avait irrité Nicolas Sarkozy en se proclamant « à la tête d’un Etat en faillite », il a dit avec insolence que Nicolas Sarkozy n’était sûrement pas « son mentor », il a contredit la consigne de l’Elysée aux cantonales pour ne pas choisir entre le PS et le FN, il a critiqué la ligne de l’UMP sur la laïcité et l’islam… Avec tout ça – peut-être même grâce à tout ça – il aura été durablement plus populaire (ou moins impopulaire) que Nicolas Sarkozy et la France entière sait qu’à deux reprises, il n’a pas osé le virer. On comprend que maintenant, il triomphe, quoi qu’il puisse arriver…

Fillon mise-t-il sur une défaite de Sarkozy ?

Tous les « experts » et les sachants de la politique vous diront que non en prenant des mines horrifiées. En réalité, bien sûr qu’il peut y penser. Et peut-être que c’est ce désir refoulé de voir perdre son camp qui lui a fait commettre le lapsus d’hier. Son parcours et son âge le placent en situation de reprendre un jour le leadership de la droite. Si Nicolas Sarkozy est réélu, il devra attendre 5 ans. S’il est battu, c’est dans 3 mois. Sans avoir une vision exagérément sombre de l’humanité politique, on peut supposer que sa patience a des limites. A mon avis, la piqûre du scorpion était aussi un coup de pied de l’âne.

Écoutez le "Parti Pris" d'Hervé Gattegno de ce Mercredi 11 Janvier 2012:

Hervé Gattegno