Hollande conforte son statut de favori

François Hollande, à l'issue du débat qui l'a opposé à Nicolas sarkozy, une âpre confrontation dont les socialistes estiment qu'il a renforcé la "présidentialité" du favori des sondages et l'UMP considère qu'il a mis en valeur la combativité de son champi - -
La presse française est partagée sur l'issue de ce "choc frontal" regardé par 17,79 millions de téléspectateurs, jugeant qu'aucun des protagonistes n'a retiré un avantage décisif de quelque trois heures de face-à-face. Dans l'attente des premiers sondages post-débat, les politologues ne s'attendent pas à des bouleversements majeurs dans le rapport de forces à trois jours du second tour de scrutin, ce type de duel ne déplaçant des voix qu'à la marge. Selon Dominique Reynié, "il n'y avait pas dans le débat un François Hollande en grande difficulté et comme il est le favori, le débat a plutôt consolidé sa position".
Le verdict est tranché en revanche pour la dirigeante du Front national, Marine Le Pen, qui a affirmé sur BFM TV que le scrutin était "plié". François Hollande a gagné, "en termes de posture, il a rempli son rôle", a-t-elle dit.
Nicolas Sarkozy, qui a un besoin impératif des suffrages des 6,5 millions d'électeurs du FN au premier tour, s'est adressé à eux mercredi soir - alors que Marine Le Pen les laisse libres de leur choix - ainsi qu'aux trois millions d'électeurs de François Bayrou, qui doit se prononcer ce jeudi.
François Hollande et Nicolas Sarkozy sont revenus sur leur prestation jeudi matin, respectivement sur France 2-France Inter et RTL, avec des "regrets" : le premier de n'avoir pu aborder en profondeur les dossiers de la santé, du handicap et du logement, le second de n'avoir pas rappelé à son adversaire le poids de la dette de la Corrèze, le département qu'il dirige.
Hollande vainqueur « aux points » ?
Expliquant avoir pris du "plaisir", Nicolas Sarkozy juge que ce débat "fort" n'a "pas abaissé la vie politique". Pour François Hollande, les Français disposent désormais de "tous les éléments" pour choisir. "Il n'y a rien de fait, rien de gagné", a-t-il commenté sur France 2, précisant avec prudence qu'"il y a encore bien des inconnues dans ce scrutin". Diagnostic de son rival, donné battu par tous les sondages avec un écart notable : l'élection présidentielle "se jouera dans un mouchoir de poche".
"On peut parler de match nul", écrit Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde. Rémi Godeau, de L'Est Républicain, ne prédit pas de "séisme électoral". Pour Libération, François Hollande "a marqué bien des points", il "émerge comme la vraie révélation cathodique de la soirée" aux yeux du Nouvel Observateur. La Croix juge que "la domination" de Nicolas Sarkozy n'est pas "décisive pour inverser la tendance" tandis que Le Figaro décrit une prestation à même d'apporter une victoire "sur le fil" au président sortant. Christian Delporte, spécialiste de l'histoire des médias, déclare le socialiste vainqueur "aux points". "Dans un débat d'entre-deux-tours, il n'y a jamais un grand vainqueur et un grand vaincu. Quand on gagne, on gagne aux points, on gagne sur une impression, c'est un choc de personnalités", a-t-il déclaré à Reuters, ajoutant que la "révélation" Hollande avait jeté "le trouble" à l'UMP.
« Combatif », « grotesque »
Sans surprise, le camp présidentiel a voulu balayer cette impression dominante en opposant l'image d'un Nicolas Sarkozy "combatif", "digne", "remarquable dans sa pédagogie" à un François Hollande "agressif", "plein de suffisance", dans "l'imposture intellectuelle". Les soutiens du président ont particulièrement raillé la tirade de François Hollande qui, en une longue anaphore - "Moi, président de la République" répété seize fois - s'est employé à marquer une rupture avec le sarkozysme. "Grotesque" pour Henri Guaino, conseiller spécial du président, "un moment tragi-comique" pour Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP.
Les socialistes ont souligné à l'inverse la stature d'homme d'Etat de leur champion, estimant que Nicolas Sarkozy avait été "sur la défensive" tout au long du débat. "Il y avait comme un air de passation de pouvoir", a résumé Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, sur RFI. Pour Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, ce "n'est pas un match nul" car le candidat socialiste "a montré une vraie personnalité, un caractère, mais aussi la qualité d'un homme d'Etat". Pour Ségolène Royal, adversaire malheureuse de Nicolas Sarkozy en 2007 et ex-compagne de François Hollande, ce dernier "a dominé les débats, il a été déterminé, volontaire, combatif".
En 2007, 20,4 millions de téléspectateurs avaient suivi le débat Sarkozy-Royal, une audience nettement supérieure à l'édition 2012. "Sans doute parce que beaucoup de Français pensent que les jeux sont faits", avance Christian Delporte.