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Il ne faut pas supprimer l'immunité présidentielle

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC.

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Alors que l'on reparle des « affaires » dans la campagne, retour sur l'une des propositions de François Hollande : la suppression de ce qu'on appelle le « statut pénal » du président. Au risque de surprendre : il ne faut pas priver le président de son immunité.

D'abord, il faut préciser que l'immunité sert à protéger la fonction, et pas celui qui l'exerce. Donc, il ne faut pas poser la question en pensant à Nicolas Sarkozy, mais à l'institution présidentielle - d'ailleurs, il ne sera peut-être plus à l'Élysée dans une semaine. Il faut comprendre aussi que le statut pénal n'étouffe pas les enquêtes, il les suspend le temps du mandat : c'est ainsi que Jacques Chirac a été condamné dans les affaires de la Ville de Paris après son départ de l'Élysée. François Hollande veut supprimer cette protection pour que le président soit "un citoyen comme les autres". C'est soit naïf, soit démagogique - peut-être les deux. Parce que ce qui est sûr, c'est que le chef de l'État ne peut pas être un citoyen comme les autres. Et il n'est pas sûr qu'il faille le regretter.

La proposition de François Hollande ne s'inscrit-elle pas dans sa vision d'un "président normal" ?

Si. Donc ce n'est pas incohérent, mais plutôt inconséquent. L'idée qu'un président doive rendre des comptes à la justice s'il est soupçonné dans une affaire part d'une bonne intention, mais elle ne résiste pas à l'analyse. Parce que les juges ont des pouvoirs de coercition sur le citoyen lambda qui sont incompatibles avec l'exercice du mandat présidentiel. Si le chef de l'État n'a aucune immunité et qu'il est suspecté d'un délit, il peut être mis en examen et, dans ce cas, avoir l'interdiction de quitter la France ou de parler à l'un de ses ministres - ou même être mis en prison ! Ce serait une crise très grave alors que - par hypothèse - on n'en serait qu'au stade des soupçons. Or, l'actualité des "affaires" montre qu'il peut y avoir un océan entre des suspicions et des délits réellement établis.

Ce week-end, le site Mediapart a d'ailleurs publié un article sur un éventuel financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 par la Libye...

C'est un exemple qui aide à comprendre. Dans un système où le président est un justiciable ordinaire, un document comme celui de Mediapart pourrait motiver une convocation du président par un juge ; ça ne préjugerait d'aucune culpabilité, mais on sait comment ce serait interprété - et à quel point ça affaiblirait le président, y compris à l'étranger. Alors, on peut trouver que c'est archaïque, injuste, mais il faut admettre qu'on doit prendre plus de précautions pour accuser un chef d'État que n'importe qui. C'est à cela que sert l'immunité. L'idéal, ce serait que le président protège lui-même sa fonction en étant irréprochable. Ce qui serait mieux qu'un président "normal", ce serait un président "moral". Sans être trop fataliste, disons que depuis De Gaulle notre système n'a pas été capable d'en produire un...

Ecoutez ci-dessous le podcast intégral du Parti Pris d'Hervé Gattegno ce lundi 30 avril :

Hervé Gattegno