"J’étais terrorisé": Gilles Artigues, victime du chantage à la sextape à Saint-Etienne, témoigne

Près d’un an après les révélations de Mediapart, Gilles Artigues a décidé de s’exprimer. Ancien adjoint à la mairie de Saint-Etienne, victime d'un chantage à la sextape de 2015 à 2022, il témoigne dans "Apolline Matin" ce mardi sur RMC et RMC Story. Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne, a été mis en examen pour chantage en avril dernier. L’ancien directeur de cabinet du maire et deux autres protagonistes sont également poursuivis pour des faits de chantage mais aussi pour l’usage de fonds publics ayant pu permettre de financer l’opération.
"Je vais mieux mais je suis toujours traumatisé par cette affaire, confie Gilles Artigues. Je suis un traitement qui me permet de vivre à peu près normalement. J’ai le soutien de mes amis, de ma famille, de bon nombre de Stéphanois. Tout cela m’aide. Je suis dans une phase où il est nécessaire que je m’exprime. J’avais dit que je le ferais quand l’affaire serait posée, lorsqu’il y aurait eu des mises en examen, lorsque mon statut de victime aurait bien été reconnu. Il faut aussi que je puisse répondre au maire de Saint-Etienne qui continue de m’attaquer, non content de m’avoir nui pendant toutes ces années. Il me salit, donne une autre version de l’affaire… Tout cela, c’est encore très difficile."
"A plusieurs reprises, j’ai pensé à mettre fin à mes jours"
Pendant toutes ces années, à la mairie de Saint-Etienne, Gilles Artigues a été mis sous pression avec la menace que la vidéo soit divulguée, pour réduire son influence. "C’était tous les lundis, dans son bureau, avec son directeur de cabinet, raconte-t-il. Sur tous les sujets, je n’avais pas le droit d’exprimer un avis. On me reparlait constamment de cette vidéo qui pouvait être diffusée. J’étais terrorisé, j’étais sous une emprise totale. A plusieurs reprises, j’ai pensé à mettre fin à mes jours. Je m’étais dit que si je commettais cet acte irréparable, il fallait que je laisse une trace de toute cela à ma famille. C’est la raison pour laquelle j’ai enregistré. Pour que ce soit une preuve de ce que j’ai enduré."
"Dans les menaces que j’avais, il y avait celle de diffuser les images aux parents des enfants qui étaient dans la même classe que les miens, ajoute l’ancien adjoint. Pour moi, c’était une torture terrible. Je n’en avais absolument pas parlé à ma famille. Je ne voulais pas que cette affaire sorte. Mediapart, au mois d’août dernier, a souhaité dévoiler tout ça. D’une certaine façon, ça m’a soulagé. Le chantage, du coup, s’est arrêté. Par contre, toute cette médiatisation nationale, c’est dur à porter. Lorsque vous tapez mon nom sur un moteur de recherche, il sort ‘sextape’. C’est quand même dur pour mes enfants et moi-même."
"Incompréhensible" que le maire n’ait pas démissionné
Onze mois plus tard, Gaël Perdriau est encore maire de Saint-Etienne, malgré sa mise en examen dans cette affaire. "C’est incompréhensible, estime Gilles Artigues. Dans cette affaire, on n’est pas parole contre parole. Il y a eu des enregistrements, des aveux… Les faits sont vraiment avérés. Il faut bien sûr respecter la présomption d’innocence, il faut laisser la justice travailler. Mais là, c’est uniquement pour savoir qui est le commanditaire de toute cette affaire. Et que ce vaut vraiment pour chacun des protagonistes les actes qu’ils m’ont fait subir."
Selon l’ancien adjoint, une démission du maire, "cela aurait fait retomber la pression pour les Stéphanois". "Même s’il reste en place, s’il donne l’impression de toujours gérer les affaires de la ville, il y a des incidents à chaque conseil municipal, souligne-t-il. Les Stéphanois sont vraiment choqués. Nous sommes une ville de traditions, de valeurs, de solidarité. Cette affaire est à mille lieux de ce que nous sommes réellement."
Gilles Artigues compte désormais s’engager pour les autres victimes de chantage. "Je pense que dans tous les lieux de pouvoir, il y a certainement des personnes qui vivent la même chose, explique-t-il. J’ai envie de leur être utile, que mes souffrances puissent servir à d’autres. Dans un premier temps, je lance une plateforme (http://www.lccii.fr/) pour recueillir des témoignages, accompagner des personnes qui ont pu vivre la même chose, leur dire qu’il ne faut jamais céder au chantage, pour interpeller aussi les parlementaires. J’ai pu en discuter avec un certain nombre de députés et de sénateurs. Il faut que la loi évolue, que la justice soit certainement plus rapide et plus sévère. C’est mon nouveau combat."