La campagne ne passionne pas les Français ? On les comprend !

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC. - -
C’est normal que les électeurs ne soient pas passionnés parce que les candidats ne sont pas passionnants. Le ton se durcit entre les deux favoris, mais c’est un trop-plein d’agressivité qui ne suffit pas à cacher le vide du débat. C’est cela que dit le sondage : 68% des Français jugent que la campagne ne répond pas à leurs problèmes. En fait, c’est une impression qui pèse depuis des mois : on l’a attribuée à la crise, à la prudence de F. Hollande, à l’absence de N. Sarkozy tant qu’il n’était pas déclaré ; il y a sûrement un peu de tout ça mais il y a forcément plus parce maintenant que le 1er tour approche et que le match a vraiment commencé, eh bien les Français ont l’air d’avoir furieusement envie de regarder ailleurs…
Pourtant on ne peut pas dire qu’il n’y ait pas de débat de fond : on a beaucoup parlé de la taxe sur les plus riches proposée par F. Hollande, N. Sarkozy a lancé des idées sur l’école, sur la justice…
C’est incontestable. Mais le climat de la campagne se mesure aussi d’une façon subjective – comme les météorologues parlent de « température ressentie ». Si vous entendez à la radio qu’il fait froid et que vous sortez très couvert alors qu’il fait simplement frais, vous aurez l’impression qu’il fait chaud. Les électeurs aussi sont échaudés : à force de s’être entendu dire que l’élection se jouerait sur la capacité des candidats à gérer la crise de la façon la plus sérieuse possible, ils ont forcément un doute quand ils voient que les candidats essaient quand-même de sortir des lapins de leurs chapeaux à coups de « y’a qu’à » et de « il faut ». Du coup, on a du mal à y croire. Et on n’a pas tort. Plus on rase gratis, plus la campagne est… barbante.
Y aurait-il plus de démagogie dans cette campagne que dans les précédentes ?
Là encore, c’est le « ressenti » qui compte. Si les électeurs n’ont le choix qu’entre des démagogues et des Cassandre, entre ceux qui jurent qu’ils peuvent tout arranger et ceux qui prédisent que la France court à la catastrophe si on ne change rien (sans jamais dire comment), c’est désespérant. Ce qui fait le succès d’une campagne, c’est un axe fort et des mesures concrètes qui frappent les esprits : l’abolition de la peine de mort et les grandes réformes sociales de 1981 ; le « travailler plus pour gagner plus » et les allègements de charges de 2007. Cette fois, aucun candidat n’a l’équivalent. N. Sarkozy lance trois projets par semaine ; aucun n’a le temps d’infuser en profondeur – c’est peut-être voulu... Les 60 propositions de F. Hollande sont si faiblardes que c’est la 61è que tout le monde retient – sa taxe sur les super-riches qui ne rapportera presque rien… F. Bayrou dit que pour relancer l’économie, ce qui manque, c’est une « stratégie » – il ne dit pas laquelle.
Est-ce que ce n’est pas aussi la focalisation sur ceux qu’on appelle les « favoris » qui rend la campagne ennuyeuse ?
Ça a toujours été le cas. La vérité, c’est que les électeurs comprennent assez vite qui est en mesure de gouverner ou pas – par ses qualités et celles de son équipe. C’est ce critère-là, et non pas je-ne-sais-quelle conjuration des médias, qui fait que le match à 4 dont on parlait il y a un mois est en train de se changer en duel – mais avec deux favoris (Hollande et Sarkozy), qui n’enthousiasment même pas leurs propres électeurs. Résultat : la tendance au vote utile renforce l’impression d’une campagne inutile.