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La "censure", meilleure promotion possible pour Jordan Bardella: l'avis tranché d'Arthur Chevallier

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La régie publicitaire des gares SNCF refuse de faire la campagne d’affichage du livre du président du RN. Elle invoque son obligation de “neutralité”. Jordan Bardella, lui, crie à la censure. Et pour l’écrivain Arthur Chevallier, ça renvoie aux rapports compliqués de la France avec la liberté d’expression. C’est son avis tranché ce mardi sur RMC.

Une chose est certaine: ce refus est la meilleure publicité dont pouvait rêver Jordan Bardella. Paradoxalement, la polémique fait de son livre un objet sulfureux. On aime la liberté, mais on n’aime pas qu’on nous la donne. On veut la prendre. L’insolence française, c’est ça. Donc la meilleure façon de rendre quelque chose de populaire, c’est de l’interdire.

Alors oui, la liberté d’expression existe en France. Disons plutôt qu’il y a une tradition de tolérance. Mais dans la loi, on n’est pas si libéraux que ça. Et même assez peu en comparaison d’autres pays. Par exemple, aux États-Unis, la liberté d’expression est totale, c’est d’ailleurs le premier amendement de la Constitution. En France, c’est aussi dans la Constitution, mais ce n'est pas un droit total.

Il y a des limites légales et compréhensibles, sur des sujets comme le racisme, l’antisémitisme ou le négationnisme. Et surtout, la liberté d’expression, c’est toujours l’occasion d’un débat de société. Souvenez-vous de la pièce Golgota Picnic, qui se moquait de la religion catholique. Elle avait été jouée en 2011. Ça avait provoqué un scandale, des associations catholiques avaient même attaqué le directeur du théâtre pour incitation à la haine religieuse. Alors, ils avaient perdu en justice, mais ça prouve qu’on n’a pas un rapport très décontracté avec ça.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
L'avis tranché d'Arthur Chevallier : France/Liberté d'expression, des rapports difficiles - 29/10
3:29

Acheter le livre de Bardella va devenir un geste militant

Dans les faits, notre réputation, c’est d’être le pays de la liberté, mais pas dans la loi. Et il y a une histoire qui résume tout le rapport de la France à la liberté d’expression. Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle. Beaumarchais, un auteur très célèbre, écrit une pièce qui s’appelle Le Mariage de Figaro, dans laquelle il attaque la noblesse, donc le pouvoir en place.

Louis XVI, le roi, lit la pièce et l’interdit immédiatement. L’affaire a un retentissement mondial. Tout le monde défend l’écrivain. À commencer par la reine, Marie-Antoinette, qui a adoré la pièce. Elle supplie son mari le roi d’autoriser au moins une représentation, juste pour elle et ses copains. Le roi accepte. Alors que la pièce est interdite dans toute la France, elle est jouée au château de Versailles.

Et c’est Marie-Antoinette elle-même qui joue un des rôles. Après ça, elle est finalement autorisée pour le grand public. Et bien sûr, après un tel barouf, le succès est immédiat. Aller voir du Beaumarchais, c’est plus seulement du théâtre, c’est un acte militant.

Évidement, Jordan Bardella, ce n'est pas Beaumarchais. D’ailleurs, la régie publicitaire en question avait refusé de faire des campagnes d’affichage qui n’avaient rien à voir avec le RN. Donc ce n'est pas une décision politique. Mais dans la tête des gens, le mal est fait.

Acheter le livre de Bardella, ça va devenir un geste militant. La réaction que ça provoque dépasse cette affaire. Elle raconte quelque chose de l’état de crispation et de colère de notre démocratie. Les livres, c’est toujours le signe avant-coureur des catastrophes.

Arthur Chevallier