Lagarde a appris la politique, la preuve: elle s'en va

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En politique aussi, ce sont parfois les meilleurs qui partent les premiers. Au risque de me joindre d’une façon un peu moutonnière au concert de louanges qui salue son arrivée à la tête du FMI, je crois que Christine Lagarde va laisser une trace dans notre vie politique nationale même si elle n’y a pas évolué si longtemps. Elle venait d’un grand cabinet d’avocats américains – qu’elle a dirigé, à Chicago – si bien qu’elle était classée, selon nos stéréotypes très français, comme une personnalité « de la société civile ». Il n’empêche que la réussite de sa campagne express pour succéder à DSK montre qu’elle est devenue une vraie femme politique – et même une femme de pouvoir.
Quels sont les signes de cette métamorphose ?
Le plus évident, c’est qu’elle a tordu le bras de Nicolas Sarkozy. Il n’était pas chaud pour qu’elle se lance dans la course ; elle l’a mis devant le fait accompli. Comme elle dispose d’un carnet d’adresses international plus proche de celui d’Hillary Clinton que de Rama Yade, et que la presse anglo-saxonne l’encense (ce qui n’est pas son cas à lui), Sarkozy n’était pas pressé de la voir partir ; mais il n’a pas pu faire autrement que de la soutenir. Ensuite il y a la campagne elle-même : rondement menée en avalant les kms et les décalages horaires ; avec ce qu’il fallait de promesses pour obtenir l’appui de tous les grands pays. Du travail de pro. A des années lumières de ses débuts calamiteux à Bercy, quand elle disait que la solution lorsque l’essence est trop chère, c’est de rouler à vélo…
L'Élysée parlait hier dans un communiqué d’une « victoire de la France ». C’en est une ?
C’est d’abord un succès personnel pour Christine Lagarde. Mais c’est un succès pour notre pays dans le sens où sa désignation témoigne d’une reconnaissance du poids de la France dans les organisations internationales. Surtout après l’affaire DSK, dont on aurait compris qu’elle pénalisât nos intérêts et notre image. La désignation de Christine Lagarde montre que ce n’est pas le cas. C’est même un paradoxe assez bienvenu qu’au moment où les pratiques sexistes sont dénoncées de toutes parts – dans la société et dans le monde politique – ce soit une femme qui représente la France à un poste aussi éminent. Les vieux barbons de notre politique nationale vont en faire une jaunisse. Ça fait une raison de plus de se réjouir !
Est-ce que Christine Lagarde va quitter définitivement la politique française ?
On ne sait jamais. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’a pas grand-chose à attendre dans la configuration actuelle – et ce n’est pas un mystère qu’elle trouve le jeu politique français ennuyeux et souvent médiocre. Elle n’a pas eu le Quai d’Orsay ; ni le Budget en plus de l’Economie, quand Eric Woerth a été écarté. Personne n’a voulu d’elle à Paris. Tout ce qu’on lui a trouvé, c’est une investiture UMP aux Etats-Unis pour briguer un siège de député des Français de l’étranger... Maintenant, le mandat au FMI dure 5 ans ; elle n’en a que 55. Si elle réussit au FMI et que l’envie lui en prend, elle pourrait tenter ce que DSK a raté – et être candidate à l’Elysée en 2017. Peut-être que là, on la regarderait enfin comme une vraie politique. Mais ce n’est peut-être pas son objectif principal…
Ecoutez « le parti pris » de ce Mercredi 29 juin 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC :