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Le mauvais procès fait à Christine Lagarde

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi.

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La plainte déposée contre Christine Lagarde a été transmise hier mardi à la Cour de justice de la République. La ministre est soupçonnée d’avoir avantagé Bernard Tapie en imposant un arbitrage dans le litige qui l’opposait au Crédit Lyonnais. La ministre serait-elle victime d’un mauvais procès ?

Ce qui est reproché à Christine Lagarde, c’est d’avoir choisi, en 2007, de couper court à la procédure judiciaire qui opposait depuis 10 ans Bernard Tapie à ses banquiers, à propos de la vente d’Adidas. Comme le Crédit Lyonnais était une banque publique au moment de l’affaire, Bercy était partie prenante. Beaucoup d’experts assuraient à l’époque que devant la justice ordinaire, Tapie aurait fini par perdre. Mais il y avait quand-même un risque et ça risquait de durer des années. Le choix qui a été fait, c’était de raccourcir les délais ; et de limiter les risques. Devant les tribunaux, Tapie réclamait 7 milliards d’euros d’indemnité. Devant les arbitres, il a réduit ses prétentions à 500 millions…

A l’arrivée, il a obtenu 400 millions. C’est une décision qui a beaucoup choqué…

C’est indéniable. Mais une chose est de critiquer la décision, une autre est de critiquer la procédure. Alors la décision : oui, elle est critiquable. Pas forcément sur le montant en soi – la vente d’Adidas représentait des sommes considérables – mais sur l’attribution à Tapie de dommages et intérêts totalement hors normes : 45 millions d’euros ! C’est 100 fois plus que ce qu’on donne pour indemniser la mort d’un enfant ou d’un parent – sans parler des gens qui ont été mis en prison à tort... Mais la procédure, elle, n’a été critiquée qu’à partir du moment où le résultat a été connu. En clair : si les arbitres avaient donné tort à Tapie, aucun de ceux qui s’indignent aujourd’hui n’aurait protesté – et encore moins poursuivi Christine Lagarde !

Est-ce que, dans cette affaire, la ministre n’a pas simplement exécuté un ordre de l’Elysée ?

Probablement que si. D’ailleurs en 2004, quand Nicolas Sarkozy a été lui-même ministre des finances pendant quelques mois, il avait déjà réfléchi à un moyen de régler l’affaire – mais Laurent Fabius aussi, en son temps, et aussi Thierry Breton. Bien sûr, Christine Lagarde nie avoir reçu la moindre instruction dans ce dossier – et d’une certaine façon, c’est à son honneur. Mais aurait-elle exécuté une consigne que ça ne suffirait pas à rendre la procédure illicite. Il y a une hypocrisie gigantesque sur ce dossier : si le seul fait de préférer l’arbitrage aux tribunaux revenait à avantager Tapie, ça revient à dire que la décision était arrangée d’avance. Autrement dit : que les arbitres ont été circonvenus. Or ça, non seulement personne ne le prouve, mais personne n’ose même le dire ! Sans doute parce que ce n’est pas très crédible. Pour ne citer que lui, on a du mal à imaginer Pierre Mazeaud, l’ancien président du Conseil constitutionnel, connu pour son indépendance et de surcroit chiraquien de toute éternité, se faire graisser la patte, intimider ou influencer pour favoriser Bernard Tapie !

Dans le Figaro, Christine Lagarde dit : « On essaie de me salir. » Elle a raison ?

Sans vouloir froisser son orgueil, je crois qu’elle se trompe. Ce qui est sûr, c’est que les sommes versées à Tapie le sont définitivement – il ne peut pas y avoir de recours contre l’arbitrage. C’est évidemment Nicolas Sarkozy que les socialistes veulent attaquer. Ils savent que le thème de la compromission du pouvoir avec le monde de l’argent est un thème porteur. Et que dans le cas de Nicolas Sarkozy, c’est un angle d’attaque qui a déjà fait ses preuves. Il y a aussi chez certains – je pense à Jérôme Cahuzac – la volonté sincère de réparer, peut-être d’expier la longue période durant laquelle le pouvoir mitterrandien a aidé Bernard Tapie a faire des affaires. Et ça, même si Christine Lagarde a dit qu’elle avait voté Mitterrand en 81, on ne peut pas l’en rendre responsable !

Ecoutez «le parti pris» du mercredi 11 mai avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC:

Hervé Gattegno