Le retour éventuel de Strauss-Kahn, un handicap pour le PS

Des analystes estiment qu'un retour de Dominique Strauss-Kahn sur la scène politique française serait un lourd handicap pour le Parti socialiste dans la course à l'élection présidentielle de 2012. /Photo prise le 23 août 2011/REUTERS/Allison Joyce - -
par Yves Clarisse
PARIS (Reuters) - Un retour de Dominique Strauss-Kahn sur la scène politique française serait un lourd handicap pour le Parti socialiste dans la course à l'élection présidentielle de 2012, estiment des analystes.
L'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) n'a pas dévoilé ses intentions mardi après l'abandon par un juge de New York des poursuites pour tentative de viol le 14 mai dernier sur Nafissatou Diallo, une femme de chambre avec laquelle il a admis avoir eu un rapport sexuel consenti.
"J'ai hâte de rentrer dans mon pays", a-t-il déclaré devant son domicile provisoire de Manhattan. "Je m'exprimerai plus longuement quand je serai de retour."
Certes, l'ancien favori des sondages est définitivement hors course pour la candidature à la présidentielle et même l'un de ses lieutenants les plus fidèles, Jean-Christophe Cambadélis, estime dans Libération de mercredi que "la thèse d'un retour à la manière du comte de Monte-Cristo est un peu romanesque".
Mais Dominique Strauss-Kahn pourrait selon les analystes être tenté par un retour en politique pour faire oublier ce qu'il a qualifié mardi d'"épreuve terrible et injuste".
"Les hommes politiques qui pensent qu'ils ont subi un déshonneur immérité pensent toujours qu'ils ne peuvent réparer ça qu'en revenant en politique", explique Stéphane Rozès, président de Cap (Conseil analyses et perspectives).
Pour lui, Dominique Strauss-Kahn et son épouse, Anne Sinclair, sont dans cet état d'esprit pour "laver leur honneur".
Les amis de l'ancien ministre de l'Economie, qui se disent unanimement soulagés, semblent prêts à lui faire une place, même s'ils soulignent que c'est à "DSK" de dire ce qu'il veut faire.
QUE DU BONHEUR ?
Martine Aubry, qui avait conclu un pacte avec Dominique Strauss-Kahn et ne s'est lancée dans la course à la candidature socialiste qu'après son inculpation à New York, est sans doute celle qui a été le plus loin, si l'on excepte les lieutenants de l'ancien directeur général du FMI.
"C'est du bonheur", a-t-elle dit. "Dominique est de toutes façons utile à la France, son pays auquel il est tellement attaché, et il le sera sous les formes qu'il choisira."
La promesse d'accueillir le fils prodigue de la social-démocratie risque toutefois d'être en contradiction avec l'état de l'opinion publique française, qui semble avoir tiré un trait sur son retour sur la scène politique.
Ainsi, dans le baromètre Ipsos-Le Point publié lundi, il ne recueille que 28% d'opinions favorables.
Pour Stéphane Rozès, il y a une fracture entre les élites, notamment socialistes, et l'opinion française.
"Ça provient de ce que les dirigeants socialistes mésestiment la dimension symbolique de la politique. Ils ne voient pas à quel point on peut judiciairement l'emporter sur les faits et à quel point on peut être politiquement affaibli par tout ce qui s'est passé autour de l'affaire DSK", dit-il.
Pour lui, même si les Français ne sont pas des puritains, "la vie privée de Dominique Strauss-Kahn a été suffisamment étalée pour que dorénavant, lorsqu'il parlera politique (...), ils n'aient pas immédiatement en mémoire ce qu'ils ont appris".
PAS SUR LA PHOTO
La réputation de "séducteur" de l'ancien directeur général du FMI leur est d'ailleurs rappelée quotidiennement par les humoristes, qui raillent son comportement sur toutes les radios dans la grande tradition gauloise.
Le caricaturiste le plus influent de France, Plantu, représente dans Le Monde "DSK" en homme verdâtre pourchassant les femmes et dont le costume porte des taches douteuses.
En France, les accusations de tentative de viol portées par la journaliste Tristane Banon pour des faits présumés remontant à 2003, sur lesquelles une enquête est en cours, contribueront également à alimenter la chronique judiciaire.
Une partie de la gauche a d'ailleurs rompu avec le concert d'autocongratulation qui a suivi l'abandon des poursuites.
L'ancienne candidate communiste à la présidentielle, Marie-George Buffet, qui a siégé dans le même gouvernement que Dominique Strauss-Kahn en 1997, a qualifié l'abandon des poursuites de "mauvaise nouvelle pour la justice et une mauvaise nouvelle aussi pour les femmes".
La droite se montre prudente mais certains de ses membres, à l'instar des associations féministes, sont incisifs.
"En montrant le vrai visage de M. Strauss-Kahn, la politique française a été débarrassée d'un individu indigne de toute représentation démocratique", a déclaré la députée UMP François Hostalier, selon laquelle on ne peut pas faire "comme s'il ne s'était rien passé" à New York.
Pour le politologue Dominique Reynié, un retour éventuel de Dominique Strauss-Kahn s'apparenterait à un cadeau empoisonné pour le PS qui s'apprête à désigner en octobre son candidat à la présidentielle dans un climat déjà tendu par les rivalités.
"Je crois que ça compliquera beaucoup la tâche de la gauche et que ça l'embarrassera", a-t-il dit sur France 5.
Stéphane Rozès estime que cela risque surtout de desservir Martine Aubry, qui est selon lui tentée de rechercher son appui, contrairement à son principal rival, François Hollande.
"Dominique Strauss-Kahn et l'affaire de New York ont suffisamment marqué l'opinion pour que le seul fait qu'il soit sur la même photo aux côtés de Martine Aubry vienne complètement brouiller le rapport de Martine Aubry avec les Français", estime-t-il en jugeant que cela peut la faire perdre.
La seule contribution utile que l'ancien ministre puisse apporter à la gauche serait d'aider "ponctuellement à la résolution d'un certain nombre de problèmes des Français sous une forme très particulière, discrète", dit-il.
Edité par Gilles Trequesser