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Les débats houleux à l'Assemblée nationale, ce n'est pas nouveau

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Depuis le début de la semaine les débats sur la réforme des retraites sont particulièrement houleux à l’Assemblée nationale. Les esclandres et les interruptions de séance se multiplient. Certains s’en offusquent et d’autres font remarquer que ce n’est pas nouveau.

Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, a appelé cela la “bordélisation” de l’Assemblée. Depuis le début de la semaine, quel que soit le camp politique au sein de l'hémicycle, c’est presque en permanence que des députés hurlent, claquent des pupitres - pour empêcher le ministre du travail Olivier Dussopt de s’exprimer pendant de très longues minutes - ou font une bronca - pour accueillir Adrien Quatennens, député LFI condamné pour violences conjugales qui faisait son retour -. Une députée macroniste, ulcérée, a même essayé de s'approcher de lui pour l'empêcher de parler, elle n'était plus qu'à un mètre quand les huissiers sont intervenus pour s’interposer.

Ce ne sont pas les seuls incidents depuis le début de la législature: Marine Tondelier, la secrétaire nationale d'Europe Écologie - Les Verts revendique que l'Assemblée puisse devenir une ZAD pour empêcher la réforme des retraites de passer. Le député Renaissance Sacha Houlier avait aussi lancé à un "Il est temps que tu fermes ta grande gueule” à un député du Rassemblement national. Le journal le Parisien raconte aussi l’histoire un peu plus ancienne d’un député macroniste Rémy Rebeyrotte, passant à la buvette devant plusieurs députés lepénistes et leur lançant un “on se croirait à Nuremberg”. Depuis, à chaque fois qu’il prend la parole à l'Assemblée, les élus du Rassemblement national crient "Pignon, Pignon", du nom du personnage du film Le Dîner de cons.

Des échanges de coups à l'Assemblée

Ces excès peuvent choquer, mais ils ne sont pas nouveaux, comme l'explique Jean-Louis Debré, ancien président de l’Assemblée nationale qui dans une interview à Libération:

"Arrêtons l’hypocrisie, il n’y a absolument rien de nouveau. L’histoire de l’Assemblée, pour ceux qui la connaissent, déborde de débats houleux où les députés s’affrontent directement avec des invectives et parfois des coups" explique-t-il.

On ne compte pas le nombre de fois où les huissiers ont dû intervenir pour protéger les ministres, comme en juin 2006, le Premier ministre Dominique de Villepin traite François Hollande de "lâche". La situation a failli mal tourner et les députés socialistes ont tenté de s’en prendre physiquement au locataire de Matignon.

Le président qui rétablit alors le calme dans l'hémicycle, c’est bien sur Jean-Louis Debré. L'ancien ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac estime que ce qui se passe en ce moment est moins violent que les débats sur la laïcité en 1905 ou les débats sur l’IVG en 1974, lorsque Simone Veil était victime à la fois de misogynie et d’antisémitisme.

1950 : un hémicycle évacué par des militaires

Le 6 juin 1936, quelques semaines après l'élection du Front populaire au pouvoir, un député de droite conservatrice, Xavier Vallat, qui est par la suite devenu commissaire général aux questions juives sous Pétain, s'était adressé à Léon Blum en lui disant "je ne voterai pas pour vous, parce que vous vous appelez Blum. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un Juif." Cette sortie antisémite provoquera une énorme bronca au sein de la gauche mais le député récoltera des soutiens de la part de la droite.

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Mais l’incident le plus spectaculaire a sans doute eu lieu en mars 1950. Lors d’un débat sur la Sécurité sociale, un député communiste du Lot-et-Garonne, Gérard Duprat, se voit refuser la parole. Il monte alors à la tribune et s’empare du micro. Cela déclenche une énorme bagarre. Le président de la Chambre des députés, Edouard Herriot, ordonne alors son expulsion mais il refuse. Après trois sommations, le président fait intervenir le commandement militaire du Palais Bourbon et à 2 heures du matin la garde républicaine évacue l'hémicycle. Il s'agit surement là du plus gros chahut de l’histoire parlementaire.

Nicolas Poincaré avec Maxime Martinez