Les électeurs de gauche parient sur la carte Juppé mais font l'impasse sur son programme économique

- - AFP
Yves-Marie Cann, directeur des études politiques chez Elabe:
"La personnalité d'Alain Juppé apparaît beaucoup plus consensuelle que celle des autres candidats à la primaire de la droite et du centre, et plus particulièrement que celle de Nicolas Sarkozy. Notre sondage paru hier illustre bien cette tendance.
Là où le qualificatif de 'modéré' s'applique le mieux à Alain Juppé, c'est vraiment sur la forme et c'est ce qui explique qu'il ait une cote d'opinion qui soit nettement meilleure que les autres candidats. Alain Juppé, de part ses déclarations, son style de campagne, apparaît plus modéré qu'un Nicolas Sarkozy qui est plus dans l'invective, et peut avoir des propos caricaturaux. Juppé semble davantage faire appel à la raison et tient une posture beaucoup plus équilibrée dans ce qu'il donne à voir au grand public.
Mais sur le terrain économique, les programmes de Nicolas Sarkozy et d'Alain Juppé - et ceux des principaux candidats à cette primaire - sont extrêmement proches. Là, les choses ne se jouent vraiment qu'à la marge. Tous proposent de faire des économies assez importantes, de réduire les effectifs de la fonction publique, après ça se joue dans la nuance et dans les chiffres. Tous les programmes des candidats à la primaire sont d'inspiration libérale sur le plan économique.
Le programme économique et social d'Alain Juppé ne correspond pas du tout à ce qu'on peut observer en terme d'attente de l'électorat de gauche. Ça montre aussi que le choix en faveur d'Alain Juppé ne se construit pas en fonction de ce qu'il peut incarner sur les mesures qu'il porte aujourd'hui. Ce choix se construit sur des questions de forme, sur sa personnalité, sur son style plutôt que sur ce qu'il propose aux Français.
"Une assurance tout risque pour ne pas avoir à choisir entre Sarkozy et Le Pen"
Ce qui joue aussi du côté des sympathisants de gauche, c'est que beaucoup d'entre eux ont intégré le fait que l'élection présidentielle ne se jouera pas entre la gauche et la droite mais entre la droite et l'extrême droite. Par anticipation, ils cherchent à souscrire une assurance tout risque pour ne pas se retrouver à avoir à choisir entre Sarkozy et Le Pen, pour eux cela reviendrait à choisir entre la peste et le choléra. Ils ont plutôt tendance à parier sur la carte Juppé mais ils font l'impasse sur son programme économique.
Si Alain Juppé remporte la primaire, il devra davantage mettre en avant ses propositions économiques. Cela pourrait aboutir à une certaine prise de conscience d'une partie de l'électorat de gauche qui pourrait faire bloc autour d'une candidature de gauche."