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Loi immigration: le Conseil constitutionnel censure 35 articles du texte

L'entré du Conseil constitutionnel, à Paris.

L'entré du Conseil constitutionnel, à Paris. - BERTRAND GUAY © 2019 AFP

Le Conseil constitutionnel a censuré ce jeudi 32 articles et trois autres partiellement du projet de loi immigration du gouvernement. Le texte, décrié par l'opposition, avait été adopté en commission mixte paritaire le 19 décembre dernier, avec des voix de LR et du RN.

Le verdict des Sages est tombé. Le Conseil constitutionnel a largement censuré, ce jeudi, le projet de loi immigration. 32 sont jugés sans lien suffisant avec le texte, dont le durcissement de l'accès aux prestations sociales, au regroupement familial, ou l'instauration d'une "caution retour" pour les étudiants étrangers, détaille l'AFP. Trois autres articles sont censurés partiellement ou totalement sur le fond, dont l'instauration de quotas migratoires fixés par le Parlement.

"Le Conseil constitutionnel valide l'intégralité du texte initial du gouvernement", s'est félicité le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur X.

À l'inverse, le président du RN Jordan Bardella a dénoncé "un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République lui-même". "La loi immigration est mort-née. La seule solution, c'est le référendum sur l'immigration", a-t-il insisté, alors que l'exécutif a déjà exclu cette option.

35 articles censurés

Obtenue après deux jours de délibérations, la décision du Conseil constitutionnel, scrutée par les associations de défense des sans-papiers comme par toutes les forces politiques du pays, rebat assez largement les cartes, avant la promulgation du texte par Emmanuel Macron.

En effet, 35 des 86 articles du projet de loi ont été totalement ou partiellement censurés par l'institution présidée par l'ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius.

Les Sages ont estimé pour l'essentiel d'entre eux - 32, précisément - qu'ils n'avaient pas leur place dans le périmètre de ce texte de loi. Il s'agit de "cavaliers législatifs", qui pourraient toutefois réapparaître plus tard dans d'autres textes.

Pour l'aile gauche macroniste, très réticente à certaines mesures jusqu'à susciter les états d'âme de plusieurs ministres - Aurélien Rousseau avait démissionné de la Santé -, elle sera accueillie avec un certain soulagement: Emmanuel Macron lui-même avait saisi les "Sages", sans cacher son scepticisme face à plusieurs dispositifs pourtant votés par sa majorité.

Pour Les Républicains (LR), la large censure de nombreuses mesures emblématiques de la droite relance le débat sur une éventuelle réforme constitutionnelle, "plus que jamais indispensable", selon le patron du parti Eric Ciotti. Ce dernier a par ailleurs estimé sur X que les "Sages" avaient "jugé en politique plutôt qu'en droit".

"Emmanuel Macron peut y voir une victoire mais ce sera à double tranchant pour faire des alliances après", a analysé la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, de l'Université de Rouen, interrogée par l'AFP.

Quotas migratoires inconstitutionnels

Très controversée, la mesure allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales (APL, allocations familiales...) a ainsi été totalement censurée.

Idem pour le resserrement des critères du regroupement familial (avec une durée de résidence requise passant de 18 à 24 mois), l'instauration d'une "caution retour" pour les étudiants étrangers ou la fin de l'automaticité du droit du sol pour les enfants d'étrangers nés en France.

L'instauration de quotas migratoires annuels déterminés par le Parlement après un débat obligatoire, elle, a été jugée contraire à la Constitution sur le fond, ce qui fera jurisprudence.

À gauche de l'échiquier politique, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a fait part de sa "satisfaction". Mais "le gouvernement portera comme une tâche indélébile l'appel à voter" la loi, selon lui. Le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard a lui appelé le gouvernement à "retirer" une loi "totalement amputée" après cette large censure.

Le projet de loi conserve néanmoins la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants, l'un des objectifs de Gérald Darmanin. Sans surprise, l'article sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, qui avait cristallisé les débats de l'automne, perdure dans le texte.

Immigration record en France

Plus tôt dans la journée, le ministère de l'Intérieur avait publié ses statistiques provisoires sur l'immigration, avec le chiffre record de 323 260 titres de séjour accordés en France en 2023. Les expulsions ont également augmentés en dépassant la barre des 17 000, soit une hause de 10% par rapport à 2022. "Les chiffres de l'immigration 2023 reflètent nos priorités politiques", a écrit jeudi sur X (ex-Twitter) Gérald Darmanin.

Les régularisations de personnes sans-papiers ont, elles, été quasi-stables (+0,3%) avec 34 400.

LM