Mort de Ben Laden: Sarkozy veut être sur la photo

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Je vais vous faire une confidence : Nicolas Sarkozy est furieux contre Barack Obama. Officiellement, il s’est réjoui de l’opération contre Ben Laden et l’Elysée a fait savoir qu’il avait téléphoné lundi à son homologue américain pour le féliciter. Ce que la présidence ne dit pas, c’est que Nicolas Sarkozy n’a jamais été informé par la Maison Blanche : ni de ce que Ben Laden avait été repéré au Pakistan (en août dernier) ni qu’une action se préparait, ni a fortiori, dimanche, que l’assaut était donné. Nicolas Sarkozy a trouvé ça très vexant ; il a pris cette discrétion pour une marque de défiance. Et il l’a pris d’autant plus mal qu’il sait que le Premier ministre britannique David Cameron, lui, a été prévenu.
Nicolas Sarkozy enrage-t-il de ne pas pouvoir bénéficier des effets positifs de cette victoire contre Al-Qaida ?
Mettons-nous à sa place. Il préside le G8 et le G20 pour un an, il s’était dit que cette position lui permettrait de briller sur la scène internationale jusqu’à son entrée en campagne. Ça ne marche que moyennement. N’oublions pas non plus que Nicolas Sarkozy a rompu avec la ligne gaulliste en réintégrant la France dans l’OTAN, ce qui lui a valu des critiques sur le thème de l’inféodation aux Américains. Il doit trouver que son geste est mal récompensé. Et puis s’il compare sa situation politique dans son pays avec celle d’Obama, il a de quoi être un peu jaloux : même quand il prend de bonnes initiatives (en Libye par exemple), ses sondages continuent à plonger. Alors qu’avec la mort de Ben Laden, Obama est presque assuré d’être réélu.
Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, affirme que la France pourrait subir des représailles. A-t-il raison de dire cela ?
Tous les experts assurent que le niveau de la menace terroriste reste élevé dans les grands pays occidentaux. Mais je trouve curieux et discutable qu’on utilise le terme « représailles ». Si les mots ont un sens, le choix de cette expression laisse clairement entendre que nous aurions joué un rôle dans l’intervention américaine contre Ben Laden. Peut-être que c’est une autre manifestation de la volonté de Nicolas Sarkozy, dont Guéant est souvent l’instrument, de se propulser à l’avant-scène, d’apparaître sur la photo. D’abord, ce n’est pas exact ; ensuite, ce n’est pas habile parce que ça peut attiser le ressentiment contre nous et qu’en tout cas, ça ne rassure pas les Français.
Est-ce par jalousie que Nicolas Sarkozy cite très peu Barack Obama dans son interview de L’Express ?
Il le cite, mais comme faire-valoir : il raconte sur un ton un peu condescendant qu’il a dû lui expliquer pourquoi il était urgent d’intervenir en Libye (ce qui est absolument vrai), et que c’est difficile pour Obama d’avoir une politique étrangère cohérente. L’interview avait été recueillie avant la mort de Ben Laden et elle était destinée à faire briller le bilan international de Sarkozy. C’était une opération de comm’ mais la mise en scène a été totalement renversée. L’Elysée a rajouté quelques mots in extremis… mais pas le moindre hommage personnel à Obama. En revanche, si vous feuilletez le livret que l’Elysée a publié sur le bilan des 4 ans de présidence Sarkozy, vous tomberez (p.67) sur l’invocation d’une « relation de très grande confiance avec les Etats-Unis ». Ça prouve au moins qu’il ne faut pas croire tout ce qui est écrit dans ce petit opuscule…
Ecoutez «le parti pris» du jeudi 5 mai avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC: