Nicolas Sarkozy, moins souverain que souverainiste

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -
Le discours de Villepinte était censé marquer un tournant de la campagne ; il marque surtout un virage idéologique du candidat. Avec sa remise en cause de Schengen, mais aussi son idée d'un « Buy European Act », c'est la première fois que Nicolas Sarkozy s'écarte d'une façon aussi explicite des dogmes européens qui font partie du socle fondateur de l'UMP. C'est d'autant plus paradoxal que les Français l'ont souvent vu, depuis cinq ans, aux avant-postes de l'Europe et qu'on l'a énormément entendu, depuis la crise de l'euro, vanter la solidité du couple franco-allemand comme bouclier européen - et même comme talisman contre la guerre en Europe. Il faut croire que le candidat l'a emporté sur le président. Là où le chef de l'État défendait la « souveraineté budgétaire », le chef de campagne s'est converti au souverainisme. Ce n'est peut-être pas une révolution, mais au moins une évolution.
Est-ce un moyen supplémentaire de concurrencer Marine Le Pen en cherchant à séduire les Français qui ont voté non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne ?
Évidemment. Dénoncer Schengen, c'est dire qu'il y a trop d'étrangers en France ; donc laisser entendre qu'une part de nos difficultés seraient liées à l'immigration - ce qui est parfaitement discutable. Mais tout porte à croire que Nicolas Sarkozy veut voir au-delà du FN. La campagne montre que les idées protectionnistes, le patriotisme économique (le thème du "produisons français"), sont les seules qui progressent vraiment - et de toutes parts. Mélenchon, Dupont-Aignan, l'extrême gauche, Le Pen, même Bayrou : tous défendent peu ou prou des positions souverainistes. Nicolas Sarkozy essaie de prendre la tête de ce courant. Le symbole de cette nouvelle ligne, c'était Henri Guaino, qui est monté à la tribune juste avant lui. Et à l'inverse, l'absence de Jean-Louis Borloo - il aurait été très mal à l'aise s'il s'était assis au premier rang...
Au-delà des stratégies politiques, est-ce réaliste d'exiger la révision des accords de Schengen ?
Sur le fond, ce n'est pas absurde de dire que la libre circulation des individus au sein de l'Europe, qui a été adoptée en 1985, n'est plus entièrement adaptée aux flux migratoires d'aujourd'hui. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que Nicolas Sarkozy le dit. Le reformuler comme il l'a fait hier, et surtout l'assortir d'une sorte d'ultimatum, c'est un peu illusoire, parce qu'il ne peut pas y avoir de politique d'immigration en Europe qui ne soit européenne. Et puis, on n'imagine pas vraiment la France reconstruire des guérites et replanter des barrières aux frontières. Peut-être que la présence de Christian Clavier et de Gérard Depardieu a fait penser à Nicolas Sarkozy qu'on pouvait revenir au village d'Astérix...
Comment avez-vous trouvé ce grand meeting que les partisans de Nicolas Sarkozy annonçaient comme le moment fort de la campagne ?
Remarquablement mis en scène, mais comme dans son émission de télévision de la semaine dernière, j'ai trouvé le candidat Sarkozy moins inspiré qu'en 2007. Techniquement très bon sur la forme, mais politiquement pas très en forme. Ses partisans nous avaient annoncé un feu d'artifice. On a vu plus d'artifices que de feu.
Pour écouter le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce lundi 12 mars, cliquez ici.