Pourquoi Olivier Dussopt, ministre du Travail, est soupçonné de favoritisme

L’examen de la réforme des retraites commence ce lundi à l’Assemblée nationale. Mais le ministre qui va défendre le texte est rattrapé par une vieille affaire. Olivier Dussopt est soupçonné de favoritisme. Et ça ne pouvait pas plus mal tomber pour lui. En première ligne pour défendre l’une des réformes les plus importantes du quinquennat, il va devoir en même temps s’expliquer sur une affaire judiciaire.
Il a confirmé ce week-end que le parquet national financier l’a informé qu’il était soupçonné de favoritisme. Ce qui pourrait lui valoir à terme d'être renvoyé devant un tribunal correctionnel.
Que lui reproche-t-on exactement? C’est Mediapart qui avait révélé l’affaire en juin 2020. Lorsqu’Olivier Dussopt était maire d'Annonay, en Ardèche, il avait reçu un cadeau de la part d’un des géants de la gestion de l’eau, la Saur. Il s’agissait de deux lithographies du peintre contemporain Gérard Garouste, qu’Olivier Dussopt connaît et apprécie. Mediapart avait parlé d’un cadeau d’une valeur de 2.000 euros. Finalement, l'enquête a estimé que les deux lithographies valaient moins de 1.000 euros.
Mais quoi qu’il en soit, à l'époque, la Saur avait obtenu la gestion de l’eau à Annonay, d'où les soupçons: le maire a-t -il reçu ces cadeaux en récompense de l'attribution de ces marchés?
Olivier Dussopt avait d’abord affirmé avoir reçu ces deux tableaux d’un ami. Puis il avait admis que cet ami était un cadre de la Saur et que c'était bien l’entreprise qui avait payé. Il avait alors décidé de rendre les tableaux. Et Il avait aussi reconnu qu’en tant que député, il aurait dû déclarer ces cadeaux au déontologue de l'Assemblée nationale, ce qu'il n’avait pas fait.
Il garde la confiance d’Elisabeth Borne
Aujourd’hui, Olivier Dussopt fait remarquer que l'enquête du PNF, le parquet national financier, a été ouverte au départ pour "corruption, prise illégale d'intérêt et enrichissement", et que sur tous ces points, les poursuites ont été abandonnées. Ce qui est exact. Ne reste donc que le soupçon de favoritisme qu’Olivier Dussopt qualifie "d’infraction formelle". Ce qui est contestable. Le favoritisme est un délit, passible théoriquement de deux ans de prison.
Sur le fond, Olivier Dussopt rappelle que quand il a été élu maire d'Annonay en 2008, la Saur était depuis plus de 40 ans chargée de la gestion de l’eau de la ville et que c’est lui qui a mis fin au contrat pour créer une régie publique.
Mais, d'après Mediapart, c'était une opération en trompe-l'œil puisque la Saur a alors remporté les marchés et gardé la gestion de l’eau potable. Le journal en ligne affirme que l'enquête du PNF depuis deux ans a montré que le jeune député-maire d’Annonay et la Saur s'étaient "arrangés" autour de ces marchés publics. Un arrangement qu’Olivier Dussopt conteste formellement.
Le ministre du Travail conserve la confiance de la Première ministre, Elisabeth Borne, et reste présumé innocent. Elle n’avait guère d’autre choix. Elle n’allait pas lâcher son ministre à la veille de l’examen de la réforme de retraite.
Car c’est un marathon qui démarre. Le texte va être examiné à l'Assemblée pendant neuf jours et neuf nuits, et les débats vont ensuite se poursuivre au Sénat, puis de nouveau à l'Assemblée, jusqu'à la fin du mois de mars.
Dans la foulée, Olivier Dussopt sera aussi, avec Gérald Darmanin, un des deux ministres chargés de défendre la loi immigration. Les soupçons dont il fait l’objet tombent donc à un très mauvais moment pour le gouvernement.