Présidentielle: Christiane Taubira, les coulisses d'une campagne ratée

Une campagne qui patine. Si officiellement, Christiane Taubira continue, certains de ses soutiens considèrent que l'histoire est terminée. 396 signatures de maires restent à obtenir en seulement dix jours, une mission quasi impossible. Et la candidate perd deux points dans le dernier sondage ELABE pour BFMTV publié ce mercredi. Créditée de 4,5% des intentions de vote il y a deux semaines, elle dégringole à 2,5%.
En interne, des militants y voient la conséquence d'une succession d'erreurs, et ce dès le début. Christiane Taubira a publié le 17 décembre dernier une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle elle disait "songer" à se présenter à l'élection. Quelques jours après, au lieu d'entamer sa campagne, elle est partie passer les fêtes chez elle à Cayenne, en Guyane.
"Christiane a fait une erreur. C'était du temps perdu" reproche un stratège. Un parlementaire fraichement rallié ajoute: "On a perdu 15 jours pendant les vacances de Noël. Et surtout, les Français n’ont pas pu discuter d’elle pendant les repas de famille. On a eu tort de commencer aussi tard". Face à ces critiques, son équipe assure que la candidate était au travail. Elle enchaînait quatre à cinq visioconférences par jour et recevait de nombreuses notes et fiches.
Certains dénoncent aussi une mauvaise officialisation en janvier. L'annonce de la candidature a eu lieu sur les hauteurs de Lyon, dans le brouillard et devant des tags. Un soutien qui était présent pointe du doigt des failles dans l'organisation de son staff de communication: "Il faisait tout gris et on n'avait pas prévu de solution B. Ça donne une image désastreuse."
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Christiane Taubira mal conseillée ?
Un conseiller reproche le fonctionnement en mode "PME familiale" de l'équipe de campagne. Clara Paul-Zamour est chargée de la presse et de la communication et est de toutes les réunions. Tout comme son père, l'ancien député frondeur PS Christian Paul, qui a pris la tête de la cellule programme. "Christian Paul est très mal entouré. C'est construit avec trois branquignols. Il s'appuie notamment sur des étudiants en première année de Sciences Po", critique une tête pensante. Une information confirmée par ses communicants qui défendent le travail de ces jeunes, notamment pour produire des fiches de synthèse sur les propositions des autres prétendants à l'Elysée.
La candidate a été raillée pour ses hésitations et approximations lors de son grand oral sur le logement devant la Fondation Abbé Pierre. Depuis, Christiane Taubira a décliné une invitation pour présenter ses mesures économiques devant le Medef. "Elle aurait eu du mal à être précise dans ses réponses. On a d'abord pensé à envoyer Guillaume Lacroix, le patron du PRG (dont le parti a depuis quitté la campagne, ndlr). Mais l'organisation du Medef ne voulait que des candidats. Du coup, nous n'y sommes pas allés, déplore une petite main. C'est un aveu de faiblesse et d'impréparation totale."
Des erreurs stratégiques ?
Parmi les autres points de crispation dans l'équipe, l'absence de liberté donnée à la candidate. "Elle est surprotégée. Sur les premiers déplacements, il ne fallait surtout pas qu'elle croise de Français, par peur qu'elle soit désemparée, explique un militant. Mais Christiane Taubira, c'est justement au contact des gens qu'elle est la meilleure. Elle aurait pu croiser un passant d'extrême droite dans la rue, elle aurait détruit son discours en 45 secondes devant les caméras."
Enfin, la question de débattre ou non avec Éric Zemmour a pris du temps à être tranchée. "Il aurait fallu pousser pour un débat plus tôt" estime un stratège. "Christiane et Zemmour ont deux visions opposées. Elle aurait pu profiter d'une confrontation."
Un autre élu résume: au lieu de s'appuyer sur ce qu'elle sait faire, son entourage a voulu à tout prix la faire rentrer dans un programme en la bourrant de fiches qu'elle ne peut pas ingurgiter. "Christiane Taubira a du tempérament, comment voulez-vous lui imposer quelque chose" défend néanmoins une proche.
Fin de campagne dans 10 jours ?
L'ancienne Garde des Sceaux poursuit sa route. Elle sera ce jeudi dans le Gard. Mais même ses soutiens n'y croient plus. "C'est devenu une campagne Vincent-Lambert, résume l'un d'eux. On a une candidature en état de mort cérébrale et pour l'instant, on la maintient."
Sauf rebondissement inattendu, elle ne sera pas retenue par le Conseil constitutionnel. Il lui manque près de 400 signatures. La cellule parrainages ne serait pas opérationnelle. Sur les réseaux sociaux, un élu local LFI explique avoir été contacté par toutes les équipes de campagne, sauf celle de Christiane Taubira.
Le Conseil constitutionnel annoncera le 7 mars la liste officielle des participants à l’élection. Une petite main y voit une délivrance: "Maintenant que je sais que c'est presque terminé et que ça va s'arrêter, je dors mieux la nuit".