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Présidentielle: pourquoi Marine Le Pen est très agressive avec l’Allemagne

Marine Le Pen a présenté ce mercredi son programme en matière de politique étrangère. Si elle est élue, elle annonce une vraie rupture dans la politique française vis-à-vis de l'Allemagne. Les explications de Nicolas Poincaré dans "Apolline Matin" ce jeudi sur RMC.

C’est un pavé dans la mare qu’a lancé Marine Le Pen. Si elle est élue présidente, ce serait la fin du couple franco-allemand. En réalité, ce couple n’est déjà plus depuis longtemps le moteur de la construction européenne, mais aucun dirigeant français n’avait osé annoncer aussi clairement son intention de divorcer… Marine Le Pen, présidente, mettrait un terme à tous les programmes franco-allemands en matière de défense. C’est principalement la construction des avions de combat et des chars du futur. Le programme des futurs avions est un projet extrêmement ambitieux qui consistait à inventer tout un système avec des chasseurs qui volent entourés par des drones. Le programme a déjà un peu de plomb dans l’aile à cause de la rivalité franco-allemande sur les brevets. Mais avec Marine Le Pen, ce serait donc réglé. On arrête tout. La candidate du Rassemblement national veut que la France construise seule le successeur de l’avion Rafale et du char Leclerc.

Et Marine Le Pen tient des propos très durs contre l'Allemagne. Elle parle de la politique d’Angela Merkel comme d’une politique "funeste", pour l'Europe et pour son propre pays. Elle dénonce en particulier la politique énergétique et migratoire de l'Allemagne. Elle parle d’hégémonie allemande sur l'Europe. Et puis elle appuie sur un point sensible. Avec elle, la France ne soutiendra plus la demande allemande d’obtenir un siège de membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU. C’est une revendication importante pour l’Allemagne, qui voudrait se voir reconnaître le statut de grande puissance. "Pas question" répond donc Marine le Pen. Ce n’est pas une déclaration de guerre, mais l’ensemble de ces prises de positions sont tout de même très, très agressives vis-à-vis de nos voisins allemands.

C’est l'Europe qui est visée

Au-delà de l'Allemagne, c’est l'Europe qui est visée. En 2012 et en 2017, la sortie de la France de l'Union européenne était écrite noir sur blanc dans le programme de Marine le Pen. Désormais, ce ne l’est plus. Marine Le Pen a voulu être claire. Le Frexit, dit-elle, n’est nullement son projet. Elle presidente, la France ne quitterait par l’Europe comme l'ont fait les Anglais, mais la France essaierait de transformer l’Europe. De passer de l'actuelle Union européenne à une nouvelle Alliance européenne des nations. Avec une différence fondamentale : les directives européennes ne seraient plus que facultatives. Marine Le Pen ne précise pas comment elle convaincra nos 26 partenaires d’adopter ces changements radicaux…

Avec la Russie, le programme du RN prône une alliance sur la question de la sécurité en Europe. Mais ce programme a été écrit avant la guerre en Ukraine. Marine Le Pen avait donc l’occasion d’actualiser ses intentions ce mercredi, en tenant compte de ce qui se passe en ce moment. Globalement, elle persiste et signe. Elle souhaite toujours un rapprochement avec la Russie, en ajoutant simplement "une fois que la guerre sera terminée". Elle reste hostile aux sanctions contre la Russie parce que cela nuit au pouvoir d’achat des Français. Et elle est réservée sur les livraisons d'armes à l’Ukraine.

Elle accepte d’utiliser le terme de crime de guerre pour parler de ce que font les Russes en Ukraine, mais pas de désigner Vladimir Poutine lui-même comme un criminel de guerre. Tout cela dessine tout de même une ligne peut-être pas pro-russe, mais en tout cas, certainement pas hostile à la Russie. Et une ligne clairement anti-européenne et très inamicale vis-à-vis de l'Allemagne.

Nicolas Poincaré