Sarkozy, candidat aux primaires du PS ?

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C’est la transmutation du sarkozisme qui se poursuit. En 2007 il y avait l’ouverture aux personnalités de gauche. Maintenant, c’est l’ouverture… aux idées – enfin, aux mesures de gauche. Nicolas Sarkozy a déjà renoncé au bouclier fiscal, qui était la mesure la plus contestée depuis son élection. Dans un autre domaine, il a aussi supprimé le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Si maintenant on taxe les plus riches et aussi les entreprises, et aussi les revenus du capital, on va finir par croire que la gauche est au pouvoir ! Eh bien figurez vous que c’est fait pour ça. C’est ce qu’on appelle un trompe l’œil. Ou un attrape-gogo.
Cela veut dire qu’on ne va pas vraiment taxer les plus hauts revenus ?
Si, ils vont être taxés : mais 3% pour ceux qui ont des revenus supérieurs à 500 000 euros par an, ça fait très peu de personnes, donc pas beaucoup de recettes : 200 millions d’euros. Alors qu’on parle là d’un plan qui est censé dégager 11 milliards d’économie, et que le déficit public avoisine les 100 milliards. Donc on peut dire que c’est financièrement marginal. Mais c’est un signal politique : 1. D’abord, ça montre que les plus riches contribuent à l’effort national – mais en réalité, beaucoup moins que l’ensemble des Français. 2. Ça prive les socialistes d’un argument de campagne de plus. Evidemment, ils vont en demander davantage – c’est couru d’avance. Mais ils auront plus de mal à présenter Nicolas Sarkozy comme le président des riches.
Ça ne suffit quand-même pas à faire de Nicolas Sarkozy un candidat de gauche Est-il entrain de se recentrer?
Plutôt de se dédoubler. Il y a un an, c’était le Sarkozy ultra-sécuritaire, avec le discours de Grenoble et la chasse aux Roms. Aujourd’hui, c’est le Sarkozy ultra-gestionnaire, prêt à demander des sacrifices à tous les Français, donc même à ses propres électeurs. Lui-même fait des sacrifices, d’ailleurs : il laisse François Fillon annoncer le plan d’austérité – il faut dire que l’austérité, ça lui va comme un gant à Fillon. Mais que Nicolas Sarkozy l’envoie en première ligne, c’est un autre signe de la métamorphose. En 2007, Fillon s’était fait engueuler pour avoir dit que l’Etat était en faillite. Pourtant, c’était déjà vrai. Aujourd’hui, comme tout le monde le sait, ce n’est plus une faute de le dire. Au contraire, c’est une marque de clairvoyance et de sérieux.
Est-ce qu’on ne peut pas dire, tout simplement, que Nicolas Sarkozy s’est adapté face à la crise ?
Pas seulement. En fait, il profite de la crise pour corriger aussi les effets de sa propre politique : avant la crise, Nicolas Sarkozy ne réduisait pas les déficits, il les creusait. Bien sûr que la crise l’a obligé à des revirements spectaculaires. Mais la crise, c’est aussi son meilleur atout pour gagner la présidentielle. Pour ça, il lui faut rassurer en même temps les Français et les marchés. Piéger les socialistes en les obligeant à abandonner leurs promesses les plus généreuses ou à passer pour des zozos. Et finir par faire en 2012 une campagne presque exactement contraire à celle de 2007. On dit souvent que Sarkozy est son pire ennemi. C’est aussi son meilleur contradicteur.
Ecoutez ci-dessous "Parti pris" de ce jeudi 25 Août 2011 avec Hervé Gattégno et Jean-Jacques Bourdin :