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Strauss-Kahn en détention provisoire, la France abasourdie

Le tribunal pénal de New York s'est prononcé pour le placement en détention préventive de Dominique Strauss-Kahn, inculpé d'agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration d'une femme de chambre d'un hôtel de Manhattan, lors de l'audience pré

Le tribunal pénal de New York s'est prononcé pour le placement en détention préventive de Dominique Strauss-Kahn, inculpé d'agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration d'une femme de chambre d'un hôtel de Manhattan, lors de l'audience pré - -

PARIS/NEW YORK (Reuters) - Les images de Dominique Strauss-Kahn menotté dans le dos et escorté par deux policiers de New York ont bouleversé la donne...

PARIS/NEW YORK (Reuters) - Les images de Dominique Strauss-Kahn menotté dans le dos et escorté par deux policiers de New York ont bouleversé la donne politique en France et semé le trouble sur la scène financière internationale.

Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a été inculpé dimanche d'agression sexuelle sur une femme de chambre d'un hôtel de luxe de la ville et a nié lundi devant un tribunal de Manhattan toutes les charges qui pèsent sur lui.

Paupières tombantes, visage défait, Dominique Strauss-Kahn a écouté sans réaction la juge ordonner son placement en détention provisoire et refuser sa libération contre une caution d'un million de dollars. La prochaine audience est fixée à vendredi.

L'accusation a estimé que le chef du FMI risquait de quitter les Etats-Unis grâce à ses réseaux et précisé qu'une enquête était en cours pour déterminer s'il avait déjà agi de manière similaire au moins une fois dans le passé.

Selon le rapport de police de l'officier de police Steven Lane, il est accusé d'avoir abusé sexuellement vers midi, heure de New York, d'une femme de chambre de 32 ans après avoir fermé à clé la porte de sa suite de l'hôtel Sofitel.

Selon un rapport du consulat français de New York cité par le site internet Atlantico.fr, qui publie aussi des extraits du rapport de police américain, des griffures ont été constatées sur son torse et des "traces ADN (vraisemblablement de sperme)" sont en cours d'exploitation.

En France, le Parti socialiste est sous le choc après avoir vu le favori des sondages pour l'élection présidentielle de 2012 descendre brutalement de son Olympe dans des images d'une "cruauté insoutenable" selon l'un de ses proches, Manuel Valls.

Ses amis veulent espérer qu'il sera innocenté malgré l'ampleur inégalée du scandale dans l'Histoire française récente, encore grossi par la médiatisation de l'affaire.

"Avec ses proches, nous ne pouvons pas croire à sa culpabilité et il sera bientôt au milieu de nous", a dit l'un des ses principaux lieutenants, Jean-Christophe Cambadélis.

THÉORIE DU COMPLOT

Tout en se défendant d'être un adepte de la théorie du complot qui verrait la droite française à la manoeuvre pour empêcher sa candidature à l'élection présidentielle, il n'en a pas moins pointé du doigt dans cette direction.

"J'ai encore en tête le fait qu'on avait promis à Dominique Strauss-Kahn le feu nucléaire dès qu'il ferait ses premiers pas de candidat", a ajouté Jean-Christophe Cambadélis.

Officiellement, le PS appelle au respect de la présomption d'innocence et à garder le cap avec un seul objectif : battre Nicolas Sarkozy en 2012.

Le premier secrétaire Martine Aubry présidera mardi un Bureau national pour tenter de rassembler des troupes éprouvées et éloigner le spectre d'une guerre des ego dans son camp.

"Pour le reste, le Parti socialiste continue de travailler pour les Français, comme il le fait depuis trois ans", a-t-elle dit en confirmant le calendrier selon lequel les responsables socialistes doivent déposer entre le 28 juin et le 13 juillet leurs candidatures pour la primaire, prévue en octobre.

Mais les dirigeants du PS semblent déjà avoir fait une croix sur une possible candidature de l'ancien ministre socialiste de l'Economie et des Finances à l'élection présidentielle de 2012, d'autant qu'une jeune Française qui dit avoir subi ses assauts en 2002 envisage de porter plainte en France.

"Le PS n'est ni décapité, ni affaibli. Il y a un leader, Martine Aubry. Il compte en son sein de nombreux talents, de nombreuses personnalités qui ont une expérience d'Etat", a déclaré le numéro deux du parti, Harlem Désir.

Une déclaration qui sonne comme un soutien à Martine Aubry en vue de la primaire, pour laquelle elle ne s'est pas encore déclarée, d'autant qu'existait entre elle et Dominique Strauss-Kahn un accord de désistement réciproque.

LE PS DANS L'INCONNU

Outre Martine Aubry, le populaire François Hollande apparaît comme un candidat sérieux à la primaire socialiste, qui lui donnerait l'occasion de se forger la stature nécessaire pour prétendre aux plus hautes fonctions de l'Etat.

En retard dans les enquêtes d'opinion mais très opiniâtre, Ségolène Royal n'a pas non plus dit son dernier mot et d'autres, comme l'ancien Premier ministre Laurent Fabius, pourraient s'engouffrer dans la brèche et se mettre sur les rangs.

A droite, on ne se réjouit pas outre mesure des malheurs judiciaires du directeur général du FMI, même si Nicolas Sarkozy se voit débarrassé sans combattre d'un adversaire potentiel qui caracolait en tête de tous les sondages.

"On a toujours pensé que c'était un bon candidat à cause de ses vulnérabilités", souligne un haut responsable de la majorité présidentielle. "Il était pour Sarkozy le plus facile à battre."

Jérôme Sainte-Marie, président de l'institut de conseil politique Isana, fait la même analyse.

"Strauss-Kahn était le plus haut dans les sondages mais il avait des fragilités et n'était sans doute pas le plus dangereux en campagne, compte tenu de la complexité du personnage", estime l'analyste. "C'était un candidat facile à déstabiliser."

ABSENCE EUROPÉENNE

S'il est difficile à ce stade de prédire qui profitera de cette affaire sur la scène nationale française, la cause paraît en revanche entendue sur le front international.

La France perd la direction du FMI, dont les instances devaient se réunir lundi pour décider des suites à donner à la décision de la juge de Manhattan, et il apparaît exclu qu'un Français puisse succéder à Dominique Strauss-Kahn.

Or, Nicolas Sarkozy misait sur le soutien actif du FMI et de son directeur général pour faire avancer ses propositions en matière de gouvernance économique internationale et de régulation de la finance mondiale sous la présidence française du G8 et du G20, et ainsi conforter sa stature présidentielle.

En Europe, l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn a eu un impact immédiat, puisqu'il était absent lundi des négociations des ministres des Finances de la zone euro, qui est loin d'en avoir fini avec la crise de la dette.

L'Union européenne comptait pourtant beaucoup sur les talents de négociateurs du directeur général du FMI, qui appuie les plans de soutien aux économies de la zone euro en pleine déliquescence, comme la Grèce et le Portugal.

Si elle ne devrait rien changer concernant les situations portugaise et irlandaise, l'absence de Dominique Strauss-Kahn pourrait se faire sentir dans les discussions en cours sur la mise en place d'un nouveau plan de soutien à la Grèce.

Service France, édité par Yves Clarisse

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