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Tout le monde voudrait oublier Clearstream

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi.

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -

Au procès en appel de l’affaire Clearstream, l’avocat général a requis hier lundi 15 mois de prison avec sursis contre Dominique de Villepin. Mais la question de la culpabilité ou de l’innocence de l’ancien premier ministre n’est plus déterminante : Clearstream, c’est l’affaire que tout le monde voudrait oublier...

Cette affaire est devenue objectivement ennuyeuse, anachronique et dénuée d’enjeu. Les faits datent d’il y a 7 ans, les principales découvertes de l’enquête remontent à 5 ans et on ne peut pas dire que depuis trois semaines, les audiences de la cour d’appel aient passionné les foules. Et l’irruption de l’affaire de DSK a contribué à donner à ce procès une dimension un peu dérisoire. A côté du thriller new yorkais du Sofitel, Clearstream ressemble à un feuilleton télé français – le commissaire Moulin comparé à 24 heures chrono ! Avec dans un cas, la chute d’un présidentiable ; et dans l’autre, l’impression que le verdict ne changera pas grand-chose…

Pour Dominique de Villepin, c’est quand-même un réquisitoire sévère ; le parquet continue de croire à sa culpabilité.

En tout cas à sa complicité de « dénonciation calomnieuse par abstention ». Un délit assez emberlificoté : on lui reproche d’avoir laissé se poursuivre une manipulation qu’il devait nécessairement connaître – celle qui visait à compromettre des personnalités avec des listings bancaires falsifiés. Villepin l’a toujours nié, même s’il y a des éléments dans le dossier qui le laissent penser – notamment les fameuses notes du général Rondot. Face à cela, Villepin oppose le même argumentaire qu’en 1ère instance (où il avait été relaxé) : pour lui, l’obstination du parquet ne s’explique que par les instructions de la chancellerie, donc de l’Elysée. C’est une façon de dire d’avance que s’il est condamné, il sera victime du pouvoir politique. C’est un peu court…

Est-ce forcément faux ?

Disons que c’est un argument très commode. Nicolas Sarkozy a multiplié les maladresses sur ce dossier mais il a retiré sa constitution de partie civile et surtout, on peut se demander s’il souhaite toujours la condamnation de Villepin. Les deux hommes se sont vus et parlé plusieurs fois ces derniers mois, le président sollicite l’avis de Villepin – sur le monde arabe, par exemple, et même sur la situation de la majorité. Il ne désespère pas, même, de lui faire rallier la majorité d’ici à la présidentielle. Donc on ne voit pas bien ce qu’il aurait à gagner à une condamnation de Villepin. Ni d’ailleurs ce que Villepin y perdrait…

S’il était condamné, ça ne l’empêcherait pas à coup sûr de se présenter en 2012 ?

Pas forcément. Lui-même a fait passer le message que ça décuplerait son envie de se lancer dans la course – ne serait-ce que pour faire battre Nicolas Sarkozy. De toute façon, s’il est condamné, il saisira la Cour de cassation ce qui lui donne le temps d’être candidat – et il se posera en martyr de l’antisarkozisme. En fait, lui aussi a plutôt envie de tourner la page. Pour ça, l’idéal serait que les juges referment le dossier. Ce qui lui fait un point commun avec Sarkozy : l’un comme l’autre ont tendance à considérer la justice comme un instrument au service du politique. Leur problème à tous les deux, c’est que ça n’a pas échappé aux magistrats. La justice est aveugle, mais pas à ce point-là…

Ecoutez «le parti pris» de ce mardi 24 mai 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin sur RMC :

Hervé Gattegno