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"Une défaillance de l'État": pourquoi les comptes des partis politiques sont dans le rouge

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Chaque année, l’État attribue aux partis politiques une dotation publique pour assurer leur fonctionnement. Mais cette année, les sommes n’ont toujours pas été versées. De quoi tendre les trésoreries des principaux partis politiques.

"Ça nous agite, on n'a toujours rien reçu". Le trésorier du Rassemblement national, Kévin Pfeffer, s’agace, les yeux rivés chaque jour sur le compte en banque du parti. Chaque année, les formations politiques reçoivent un financement de l'État, de quelques milliers à 10 millions d'euros selon l'importance du parti politique. Elle est vitale pour le fonctionnement des partis politiques et, in fine, de la démocratie. Mais la dotation publique versée aux formations n'a pas été versée en ce début d'année. Une somme qui assure 70 à 95% du financement des partis politiques.

Le montant injecté dépend des dernières législatives. Deux facteurs rentrent en compte: d’abord, le nombre de députés élus par formation politique. Ensuite, le nombre total de voix obtenues. Chaque bulletin rapporte 1,64 euros par an aux partis. Y compris donc pour ceux qui n’ont réussi à faire élire aucun député, comme Reconquête, le mouvement d'Éric Zemmour. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître avec un vote remontant à juin 2022, le résultat définitif des législatives n'est toujours pas connu, la faute à des recours et des contestations plus nombreux cette année. Cela empêche donc de déterminer la dotation précise au centime près et l'argent n'est toujours pas versé.

Le Conseil constitutionnel examine un-à-un ces recours. Actuellement, les Sages examinent ces recours au rythme d’une vingtaine par semaine. Il en reste encore une centaine à examiner.

"Il n’y a pas assez de personnel, ça devrait aller beaucoup plus vite, râle le trésorier d’un parti. Tout n’est pas mis en œuvre pour éviter les retards."

Un découvert de 2 millions d'euros pour LFI

En attendant, les partis politiques se tournent vers leurs banques pour réclamer des autorisations de découvert ou des prêts relais. Manuel Bompard, patron de La France insoumise, estime le découvert à 2 millions d'euros. L’organisation de meetings et de marches pendant la bataille des retraites leur a coûté cher.

La situation est encore plus complexe pour le Rassemblement national. Le parti de Marine Le Pen n’a pas le droit au moindre euro de découvert. Pour que la trésorerie tienne, ils ont lancé à l’automne un “grand emprunt national” auprès des Français et 2,5 millions d'euros ont depuis été récoltés. 

“Comme une entreprise normale, on doit payer nos salariés, nos fournisseurs et l’Ursaff” rappelle Kévin Pfeffer. D’autres, comme le PS, ont pris leurs dispositions et ont freiné les dépenses pour ne pas être à sec. "J’ai fait en sorte de gérer comme un bon père de famille mon parti", crâne un dirigeant. 

Des versements espérés en juillet

Le serrage de ceinture devrait bientôt prendre fin. La situation va se débloquer dans la première quinzaine de juillet. Le ministère de l’Intérieur, chargé de créditer les sommes, a prévenu les partis que le versement devrait avoir lieu dans les quinze premiers jours de juillet, avec une avance d'environ 50%. L'autre moitié suivra début octobre. Hors année électorale, le versement intervient beaucoup plus tôt, autour du mois de février. 

Plusieurs dirigeants politiques ont fait pression sur l'exécutif pour que le versement arrive plus rapidement. Jordan Bardella, le patron du Rassemblement national, a même adressé une lettre à la Première ministre cet hiver. "C’est un manque de respect vis-à-vis de nous" déplore aussi le trésorier des Républicains, Daniel Fasquelle. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, évoque lui “une défaillance de l’Etat":

"Ce n’est pas anecdotique. Le financement de la démocratie, c’est une question démocratique”, explique-t-il.

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Moins de cotisations des adhérents

Si les partis politiques dépendent autant des financements de l’Etat, c’est parce que les cotisations des adhérents ne rapportent plus grand-chose. Hormis le Parti communiste français, qui pratique encore des cotisations élevées (1% du salaire annuel à verser au parti), les autres ont des montants d’adhésions faibles.

“Maintenant que des mouvements comme LFI ou Renaissance ne demandent plus de cotisations à leurs militants, les nôtres rechignent à payer” déplore le patron d’un parti traditionnel.

Enfin, le nombre d’adhérents ne cesse de fondre. Ils étaient 240.000 chez LR en 2015, ils sont désormais moins de 100.000. Ce qui réduit mécaniquement les sources de financements alternatifs et augmente d’autant la dépendance à l’argent public.

Cyprien Pézeril avec MM