Présomption de légitime défense pour les policiers: "Veut-on imiter les Etats-Unis?"

Serge Portelli, président de Chambre à la cour d’appel de Versailles et membre du syndicat de la magistrature, ce mercredi sur RMC. - RMC Découverte
C'est une des mesures du grand plan de sécurité intérieure proposé par Nicolas Sarkozy, ce lundi dans les colonnes du Parisien : le droit pour les policiers à la "présomption de légitime défense". En clair, ça veut dire que le policier peut tirer sur un délinquant armé avant que celui-ci ne l'ait fait sur lui, ou refuse de poser son arme malgré les injonctions des forces de l'ordre. Une mesure loin de faire l'unanimité, si l'on en juge par les réactions d'Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité-SGP-Police-FO, et de Serge Portelli, président de Chambre à la cour d’appel de Versailles et membre du syndicat de la magistrature, invités tous les deux de Jean-Jacques Bourdin ce mercredi.
"Cela n'existe dans aucun état de droit"
"Dire ça c'est un écran de fumée", juge Yves Lefebvre. "Aujourd'hui cette présomption de légitime défense n'existe dans aucun état de droit. Nous sommes prêts à ouvrir un débat sur la légitime défense, mais cela ne saurait passer par une présomption de légitime défense. Donc nous sommes contre évidemment", explique le policier. Seules les policiers du syndicat Alliance CFE-CGC, qui revendique cette idée depuis longtemps, y sont favorables, rappelle Yves Lefebvre.
Et preuve que police et justice peuvent s'entendre, le magistrat Serge Portelli, a lui aussi vivement critiqué cette idée de Nicolas Sarkozy. "Même Claude Guéant (ancien ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy, NDR) disait qu'il n'y a pas lieu de donner un permis de tuer aux policiers", glisse, malicieux, le magistrat. "De toute façon c'est un faux problème car c'est quasiment impossible (à mettre en place). Nous sommes dans un état de droit et il y a un certain nombre de conditions pour que la légitime défense existe. L'article 122-5 du code pénal prévoit que la riposte policière doit être proportionnée, actuelle – vous n'allez pas tirer une heure après. Ce sont ces conditions qui font que nous sommes dans une démocratie. Aux États-Unis, les policiers tirent assez facilement, mais est-ce que c'est cela que nous voulons en France ?".
"Pour une légitime défense adaptée au terrorisme"
Les deux hommes trouvent toutefois un mérite à la proposition de l'ancien président de la République, celle d'ouvrir le débat sur la légitime défense. Pour Yves Lefebvre, la menace terroriste et les tueries de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher doivent permettre de repenser la légitime défense. Le secrétaire général du syndicat Unité-SGP-Police-FO explique : "Nous revendiquons que nous puissions déterminer un espace temporel consécutif à un acte terroriste ou une tuerie avérée, durant lequel un policier puisse être (temporairement) en état de légitime défense sans que l'attaque contre lui soit directe".
Une exception à la règle qui aurait, par exemple, permis au policier assassiné par les frères Kouachi après la tuerie de Charlie Hebdo de tirer sur les malfaiteurs sans sommation, et de garder peut-être, la vie sauve.