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Procès d'un policier devant les assises: "Tous les policiers auraient pu se retrouver là"

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Le procès d'un policier s'ouvre ce lundi matin devant la Cour d'Assises de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Les jurés vont devoir déterminer si ce gardien de la paix a agi en légitime défense en abattant d'une balle dans le dos un délinquant lors d'une course poursuite, le 21 avril 2012, à Noisy-le-Sec. La famille de la victime craint que le régime d'état d'urgence influence la justice.

C'est un procès rare qui s'ouvre ce lundi matin devant la Cour d'Assises de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Un policier est poursuivi pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Les faits remontent au 21 avril 2012, un soir où le gardien de la paix Damien Saboundjan patrouille avec trois collègues à Noisy-le-Sec. En les voyant, Amine Bentounsi prend la fuite. Condamné pour braquage, le jeune homme de 28 ans n'est pas rentré en prison après une permission.

Lors de la course poursuite, le délinquant tombe nez à nez avec Damien Saboundjan. Se sentant menacé, le gardien de la paix ouvre le feu à quatre reprises. Une balle touche en plein milieu du dos Amine Bentounsi et le tue. Le policier assure qu'il a agi en état de légitime défense, que la victime braquait une arme sur lui, mais la légitime défense n'a pas été retenue par le juge d'instruction après l'enquête. Cependant, les multiples expertises n'ont pas permis de déterminer si Amine Bentounsi était en train de se retourner lorsqu'il a été touché dans le dos. C'est tout l'enjeu du procès qui s'ouvre ce lundi, en plein débat sur l'assouplissement de la légitime défense pour les policiers.

"On a l'impression qu'il aurait plutôt dû se faire tuer"

Un procès qui s'annonce particulièrement tendu. Dans la salle d'audience du tribunal de Bobigny vont se retrouver côte à côte la famille de la victime et des policiers venus soutenir leur collègue. "Tous les policiers qui ont fait de la voie publique se disent qu'ils auraient pu se retrouver à cette place-là", devant le tribunal, déclare sur RMC Nicolas Comte, le porte-parole du syndicat policier Unité SGP police-FO. Les policiers qui n'attendent qu'une chose : que Damien Saboundjan soit relaxé.

"On a un peu l'impression que pour ne pas se retrouver devant une cour d'assises, il aurait dû soit se faire tuer, soit ne pas faire son travail", estime le syndicaliste.

"Mes collègues ont un peu l'impression qu'un policier doit, non pas rendre des comptes parce que ça c'est normal, mais faire face à une cour d'assises alors qu'il ne l'a pas mérité".

"On a peur que l'état d'urgence influence le jury

C'est la cinquième fois seulement qu'un policier va comparaitre devant les assises. De plus, ce procès intervient en plein état d'urgence, décrété au lendemain des attentats du 13 novembre. Nicolas Comte aimerait que les jurés prennent en compte cet état de fait. "C'est vrai que ce procès arrive à un moment particulier, alors que mes collègues sont exceptionnellement sollicités".

Que la justice soit influencée par l'état d'urgence, c'est la crainte de la famille de la victime. "On a peur que cet état d'urgence influence le jury, confirme sur RMC Amal Bentounsi, la sœur de la victime. Mais ce serait un très mauvais message que ce (gardien de la paix) soit relaxé, ça voudrait dire qu'on délivre un permis de tuer à ces policiers. Mais dans la police il n'y a pas que des super héros". Amal Bentounsi n'espère qu'une chose :

"Que la justice nous fasse la démonstration que l'on est encore dans un état de droit. Ce policier doit être jugé uniquement sur les faits".

"Ce policier a tué mon frère d'une balle dans le dos"

Et selon elle, les faits sont accablants. "On a la démonstration dans le dossier d'instruction - autopsie, témoignages des différents témoins qui étaient sur place - qu'il n'était pas en légitime défense, et il doit s'expliquer. Ce policier a tué mon frère d'une balle dans le dos et pour nous c'est très difficile de vivre avec ça et de pouvoir passer à autre chose".

Le verdict est attendu vendredi. Le gardien de la paix risque 15 ans de réclusion. Mais il est rare qu'une cour d'assises condamne un policier. Jusqu'à maintenant, il n'y a eu qu'une seule condamnation pour violence policière, c'était en 2011.

P. G. avec Céline Martelet