Prud'hommes trop lents, l'Etat poursuivi pour déni de justice: "L'attente est insupportable"

L'Etat est assigné en justice à partir de ce mercredi - AFP
L'Etat passe au tribunal. A partir de ce mercredi, près de 200 salariés assignent l'Etat devant le tribunal grande instance de Paris pour déni de justice. Des salariés qui attendent depuis au moins un an, et parfois depuis quatre, cinq voir six longues années pour obtenir un jugement. Ils dénoncent donc les délais excessivement longs des juridictions sociales, des prud'hommes mais aussi des cours d'appel, qui les empêchent de se reconstruire après les coups durs qui les conduisent devant la justice.
"Toujours pas reconnue en tant que victime"
C'est le cas par exemple de Mathilde, rencontrée par RMC, qui vit depuis quatre ans un parcours du combattant. Licenciée pour avoir accusé son gérant de harcèlement sexuel, elle entame une procédure aux prud'hommes. L'affaire va en appel. Au total cela fait donc quatre ans qu'elle attend. Une histoire qu'elle raconte les larmes aux yeux: "L'attente, c'est insupportable puisque je ne suis toujours pas reconnue en tant que victime".
"Si je souhaite en parler on va plutôt me dire: 'C'est bon, c'est du passé. Pense à autre chose'. Mais moi ça m'a profondément changée, avoue-t-elle. Tant que cette affaire n'est pas finie, je n'aurai plus confiance dans la société dans laquelle on est". Mathilde est d'autant plus en attente d'un jugement que cette affaire a eu des conséquences sur sa vie personnelle: "Il m'est difficile dans parler à mon enfant parce qu'il ne comprend pas. On les éduque, ils font une bêtise, il y a une sanction et on passe à autre chose. Là non".
"Pas assez de greffiers"
Pourtant depuis l'été dernier, la loi Macron prévoit des dispositifs pour réduire ces délais trop longs. Mais sans moyen supplémentaire, impossible d'accélère la cadence selon Maître Beckers, avocate spécialiste de droit social. "On a inscrit dans la loi des délais, qui pourraient sembler intéressants. Sauf que l'on n'a pas donné l'argent pour que ces délais soient appliqués. Il n'y a pas assez de greffiers pour tenir les audiences", déplore-t-elle.
Et d'ajouter, très remontée: "C'est un véritable scandale surtout lorsqu'on sait que devant le conseil des prud'hommes se règlent des problématiques extrêmement graves comme des rappels de salaires ou des licenciements abusifs qui ont des conséquences importantes sur les gens". A noter, qu'en moyenne, aux prud'hommes, il faut attendre 15 mois pour obtenir un premier jugement.
L'Etat déjà condamné en 2012
Le déni de justice avait déjà été reconnu en 2012, et l'Etat avait déjà été condamné à verser 400.000 euros d'indemnités dans une action similaire. Pourtant, depuis, rien n'a changé malgré la loi Macron votée l'été dernier qui prévoit pourtant des dispositifs pour réduire ces délais. Notamment la possibilité de passer devant deux juges prudhommaux au lieu de quatre habituellement. En contrepartie le jugement doit avoir lieu dans les trois mois.
Un nouveau délai créé dans la loi mais toujours pas respecté. Pas suffisamment de moyens, pas assez de greffiers pour tenir les audiences, selon les avocats et les juges qui dénoncent de la poudre aux yeux. La loi permet aussi désormais de passer par un médiateur. Une sorte de justice privée. Toutefois, à quelques exceptions près, en cas de litige les salariés préfèrent toujours s'en remettre au juge des prud'hommes.