Rony Brauman: "L’aide d’urgence au tsunami a été un gaspillage très important"

A l’heure où l’Asie rend hommage aux plus de 220.000 personnes disparues dans le tsunami de 2004, Rony Brauman, ex-président de Médecins sans frontières, était l’invité de RMC pour faire un point sur la gestion humanitaire de la crise.

Le dimanche 26 décembre 2004, à 07h58 locales (1h58 du matin à Paris), un tremblement de terre de magnitude 9,3 sur l'échelle de Richter se produit au large de l'Indonésie, déclenchant un tsunami dévastateur qui fait plus de 220.000 morts. Dix ans jours pour jours après la catastrophe, alors que les cérémonies en hommage aux victimes ont commencé, Rony Brauman, ex-président de Médecins sans frontières, était l’invité de RMC pour faire un point sur la gestion humanitaire de la crise.

#Tsunami2004: "la crainte d'une épidémie n'était pas fondée"

La catastrophe a suscité une émotion considérable en Occident, a rappelé Rony Brauman sur RMC. "Ces phénomènes sismiques provoquent beaucoup de morts mais peu de blessés, a-t-il expliqué. La crainte d'une épidémie n'était pas fondée parce que contrairement aux idées reçues, "il n’y a pas de risque sanitaire" face à des corps en décomposition.

Les ONG ont-elles envoyé trop de matériel su place, qui est resté inutilisé? "Absolument, il y a avait une grande urgence à aider les gens à se réorganiser, mais il n’y avait pas d’urgence médico-sanitaire" à proprement dire.

"De ce point de vue-là, l’aide d’urgence au tsunami a été très critiquable", un "gaspillage très important", a-t-il insisté.

#Tsunami2004 "Nous avions reçu 15M€ de dons. Il n'y avait pas besoin d'autant"

Le tsunami de 2004 a suscité "une émotion inédite" et un afflux de dons occidentaux "sans précédent", a rappelé l’ancien patron de l’ONG. Moins d’une semaine après la catastrophe, MSF disait publiquement avoir reçu trop de dons pour l'aide médicale d'urgence. "Il s’agissait de dire, pour MSF, que nous avions reçu spontanément 15 millions d’euros de dons, a rappelé Rony Brauman. Il n'y avait pas besoin d'autant pour de l’aide d’urgence, sachant que nous n’avions pas de blessés à opérer, ni d’épidémie à juguler, contrairement à ce que certains disaient."

Cette prise de position a été critiquée à l’époque, par certaines ONG qui avaient, elles, besoin d’argent. "La loi nous enjoint de respecter la volonté des donateurs", a martelé Rony Brauman, rappelant que son association avait des besoins d’argent criants pour d’autres "urgences majeures", comme le Darfour.

#Ebola "Les épidémies virales seront l’un des grands phénomènes pathologiques du XXIème siècle"

Rony Brauman est revenu sur l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola, qui sévit actuellement en Afrique de l’Ouest, faisant près de 7.000 morts selon une dernier bilan de l’OMS. "Le bilan est sous-estimé. Il y a probablement 15.000 victimes", a-t-il déclaré. Cela s’arrange tout de même, mais pas partout et pas au même rythme."

Cela vaut-il avertissement ? Une épidémie à un point du globe, aujourd’hui, est-elle à la porte de chaque pays? "Les épidémies virales sont probablement l’un des grands phénomènes pathologiques auxquels nous allons assister au XXIème siècle", a insisté l’ancien président de MSF. Il est certain qu’avec la démographie, l’urbanisme et le changement climatique, les milliers de virus qui attendent une forme d’expression vont trouver là un champ très favorable".

C. P.