Salaire des grands patrons: "Il faut de la rationalité, de la démocratie, de l'éthique"

"Nous demandons au gouvernement de légiférer pour que désormais, en France, un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 Smic, soit 1,75 million d'euros par an". Ce jeudi dans Libération, quarante personnalités, dont des responsables politiques et syndicaux ou des intellectuels, lancent un appel pour demander au gouvernement de légiférer afin de limiter les salaires des patrons. Parmi les signataires: le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, le président PS de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, la maire de Paris Anne Hidalgo, le député PS Benoît Hamon, l'ex-ministre Arnaud Montebourg, la députée écologiste Cécile Duflot ou encore l'économiste Thomas Piketty.
Le débat refait surface depuis quelques semaines. En effet, après les patrons de PSA (5,25 millions d'euros) et de Renault (plus de 7 millions d'euros) qui ont récemment augmenté leur salaire, c'est au tour de Paul Hermelin, PDG de Capgemini. Ce dernier va voir son salaire annuel passer de 4,1 à 4,8 millions d'euros (soit +18% en un an) et entrer ainsi dans le Top 10 des patrons du CAC 40 les mieux payés (la rémunération moyenne étant de 4,2 millions d'euros, ndlr). C'est dans ce contexte que la commission des affaires sociales a adopté un amendement, ce mercredi, qui permet d'encadrer un peu plus le système de rémunération des grands patrons.
"C'est insupportable"
"Il faut que certains patrons, notamment ceux des très grandes entreprises, comprennent la violence symbolique qu'il y a pour un salarié, un ouvrier, un chômeur à entendre ces chiffres, estime sur RMC Sébastien Dejana, député PS de l'Hérault et rapporteur du projet de loi Sapin II. Il leur est difficile à comprendre qu'eux en une heure gagnent 8 ou 9 euros quand un grand patron peut gagner parfois jusqu'à 3.000 euros dans la même heure. C'est insupportable".
Désormais, les votes des assemblées générales d'actionnaires sur les rémunérations des dirigeants d'entreprises seront contraignants et non plus consultatifs comme aujourd'hui. "On cherche à mettre fin aux inégalités de rémunérations", explique sur RMC, Gaby Charroux, député Front de gauche des Bouches-du-Rhône, à l'origine de l'amendement. Et de prendre en exemple la comptine "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette": "C'est exactement ce qui se passe dans les conseils d'administrations, estime-t-il. A savoir, tu vas me voter ma rémunération et moi, en retour, je te voterai ta rémunération. Ce qui donne des salaires parfois mille fois supérieurs au salaire le plus bas de leur entreprise. C'est indécent. Il y a un haut-le-cœur général".
"Une rémunération obligatoire"
Pour Sébastien Dejana, cet amendement devrait permettre "de mettre de la démocratie dans l'entreprise. Il faut qu'une assemblée générale d'actionnaires puisse décider de la rémunération d'un patron, sans possibilité de voir cette décision cassée. Qu'elle soit donc obligatoire parce que jusque-là on avait fait confiance à l'autorégulation, à un code déterminé par le Medef qui finalement n'est pas appliqué, comme on a pu le voir dans un certain nombre de cas". "On va donc mettre de la rationalité, de la démocratie, de l'éthique", insiste-t-il.
Quant au montant des salaires, le député socialiste se dit favorable à ce que soit mis en place "un barème indicatif": "Si on pouvait fixer une grille des salaires avec un écart allant de 1 à 100, ce serait quand même raisonnable". Mais, rappelle-t-il, pour modifier cela "on fait face à de vraies difficultés constitutionnelles".