"Ils nous ont tué": l'émotion et la colère des salariés après la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim
Le coeur de la centrale s'est arrêté de battre vers 23h lundi. La centrale nucléaire de Fessenheim a été définitivement arrêtée: son second réacteur a été débranché du réseau électrique national. Le réacteur N°1 de la doyenne des centrales nucléaires françaises, mise en service en 1977, avait été arrêté le 22 février.
Le portail se referme lourdement derrière Frédéric. Cet opérateur EDF a les lèvres pincées par l'émotion en sortant de l'opération de débranchement: "On aurait entendu les mouches volées. Il fallait rester concentrés sur ce que l'on faisait, ça permettait de supporter... l'insupportable. C'est un gros gâchis. Il va y avoir beaucoup de mutations: ça fait 25 ans que je travaille là-dedans. C'est un déchirement de quitter l'Alsace et de devoir repartir sur d'autres sites" confie-t-il, ému.
Comme Frédéric, plus d'une centaine de salariés feront donc leurs cartons cet été. Ce que regrette Alain, délégué syndical FO. Lui doit rester à Fessenheim avec d'autres collègues afin d'évacuer le combustible. Abattu par le silence du réacteur mis à l'arrêt, il souffle:
"Ils nous ont tué. C'est l'heure du deuil. Quand on va revenir de vacances, le bureau du collègue sera vide. Il n'y aura plus personne. Ca va être terrible. Après on pourra tourner la page définitivement, mais ce sera long, encore trois ans...".
"C'est un crêve-coeur"
D'autres vont partir en retraite anticipée. C'est le cas de Patrick, qui y travaillait depuis 36 ans comme "contrôleur de risques", l'émotion dans la voix:
"Il y a un peu de colère... Il n'y a pas de mot pour expliquer cela. Depuis le temps que ça traîne, c'est fait. Ce n'est pas facile d'arrêter une machine alors qu'on sait qu'elle peut continuer de fonctionner. Tout ça parce que le politique a décidé d'arrêter. Je pense aux collègues, c'est un crêve-coeur de les voir partir. Mais c'est une fierté d'avoir accompli une page d'Histoire" sourit-il tristement.
"Le gouvernement n'a pas mis les moyens"
Le politique, justement: le maire de Fessenheim dénonce un "abandon de l'Etat". Sur RMC, il confie sa désillusion.
"On perd 1000 emplois sur le bassin d'emplois. Ces postes ne sont pas remplacés. C'est cela qu'on déplore. Nous avons été abandonnés, totalement. Le gouvernement n'a pas mis les moyens pour que cette fermeture se passe bien. Notre population ne mérite pas ça: nous avons accepté une centrale nucléaire, et il faut un minimum de respect et de considération pour notre territoire" dénonce-t-il.
D'ici 2023, il faudra trouver une formation et un poste: seuls une soixantaine d'agents resteront sur le site pour démonter les installations. Une opération qui doit durer une vingtaine d'années.