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Lanceur de satellite réutilisable: pourquoi la France se lance dans la bataille

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Dans "Apolline Matin", ce mardi sur RMC, Nicolas Poincaré a expliqué pourquoi la France a décidé de se lancer dans la bataille des lanceurs de satellites réutilisables.

Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, a présenté ce lundi la nouvelle stratégie spatiale de la France. Il a annoncé le développement d’un lanceur "réutilisable", qui devra être opérationnel en 2026.

Cela signifie que l’on prend acte que le lanceur Ariane 6 est déjà dépassé. Avant même sa mise en service. Cette nouvelle fusée a coûté 6 milliards dont la moitié payée par la France. Elle dispose d’un moteur réallumable. Ce qui lui permet de déposer un premier satellite sur une orbite puis de redémarrer pour en déposer un autre plus haut.

Ariane 6 se fabrique en 18 mois au lieu de trois ans pour l’actuelle Ariane 5. Le coût du lancement est deux fois moindre que celui d'Ariane 5. C’est une magnifique fusée sur le papier. Mais malgré tout, c’est un échec programmé.

Le premier lancement aura lieu à l’automne prochain avec deux ans de retard sur le programme initial. On va en lancer six ou sept par an alors qu’on en prévoyait 12. Et chaque lancement sera déficitaire. L'Europe et surtout la France vont continuer à financer le programme Ariane parce qu’il en va de notre indépendance, parce qu’on ne veut pas et qu’on ne peut pas dépendre des Américains ou des Chinois pour lancer nos satellites de défense. On va donc continuer mais on sait qu’avant même son lancement, Ariane 6 est trop coûteuse et dépassée techniquement.

Ariane a pourtant longtemps été un champion du monde, au moins pendant 30 ans. Lorsque les Américains se sont perdus avec leur navette spatiale ultra chère et que pendant ce temps, Ariane réussissait tous ses lancements depuis Kourou. Dans les années 80, les lancements étaient retransmis en direct à la télévision. Ariane était une fierté européenne. Et puis, les Américains sont revenus et depuis 2016, ils ont repris la place de numéro 1. En 2020, ils ont lancé 40 satellites et les Européens quatre seulement…

Comment en est-on arrivé là ? On a raté le virage du réutilisable, c'est-à-dire des fusées dont le premier étage revient sur Terre et peut resservir pour le lancement suivant. Et pourquoi a-t-on raté ce virage ? Parce que la politique spatiale européenne est une usine à gaz.

Elle fonctionne selon la règle du "retour géographique". Cela veut dire que lorsqu’un pays investit par exemple 10% d’un programme, il doit recevoir en retour 10% des emplois créés. Et donc au lieu d'innover, on gère. On n’encourage pas le talent, on répartit les emplois.

Les Américains ont un génie, Elon Musk

Ariane 6 est fabriquée par 600 entreprises dispersées dans 13 pays. Le magazine Capital a détaillé : la coiffe est suisse, les composants sont espagnols, les divergents suédois, les boosters italiens. La France assemble la partie inférieure, l'Allemagne la partie supérieure…

Il n’y a pas besoin d'être un génie pour être meilleur et plus efficace. Mais il se trouve en plus que justement, les Américains ont eu un génie. C’est Elon Musk ! C’est lui qui qui a inventé les fusées réutilisables. Vingt ans avant tout le monde, l’inventeur de Tesla a imaginé Space X et les fusées Falcon qui reviennent se poser à cap Canaveral. Largement subventionné par la Nasa, il a conçu ces lanceurs low cost et ça marche. Et Space X va rafler ces prochaines années la plus grosse partie du gâteau. Un immense gâteau puisqu’il va falloir lancer, non plus des centaines, mais des dizaines de milliers de satellites. Ce que l’on appelle les constellations. 

Depuis le siège d'Ariane Espace à Vernon, dans l’Eure, Bruno Le Maire a admis lundi la victoire d’Elon Musk. Il a reconnu le retard que nous avons pris et proposé que l’on tente de rattraper ce retard.

Il demande à Arianespace de développer un nouveau lanceur réutilisable d’ici 2026, c'est-à-dire demain. Le plan français prévoit aussi de se développer dans les micro lanceurs. Les petites fusées qui envoient dans l’espace des satellites de moins de 500 kilos. On va le faire en coopération avec les Allemands. Pour essayer de ne pas être totalement dépassé et de revenir dans la course… 

Nicolas Poincaré