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“Le réchauffement climatique nous condamne à ce genre de sécheresse”, explique la scientifique Agnès Ducharne

La directrice de recherche au CNRS, Agnès Ducharne, était invitée par Margaux Bourdin dans la Matinale Week-end à partager son expertise sur la sécheresse historique que la France traverse en 2022.

Les températures se radoucissent en France à compter de ce dimanche 14 août. Une dépression orageuse qui verra la pluie faire son retour sur une grande partie de l’Hexagone, mais qui n’empêchera pas l’année 2022 de rester dans les annales en termes de sécheresse des sols.

Et selon la directrice de recherche au CNRS Agnès Ducharne, spécialisée dans le climat, il va falloir s’habituer à ce type d’épisode de chaleur et de sécheresse dans les années à venir.

“Le réchauffement climatique nous condamne à ce genre de sécheresse. Elles ne seront peut-être pas toutes, dans le futur, aussi fortes que celle de cette année mais on peut s'attendre à ce qu’il y en ait de plus fortes malheureusement, qu’elles commencent plus tôt et qu’elles durent plus longtemps”

La chercheuse estime que le réchauffement climatique est incontestablement la cause de cette sécheresse historique en France.

“Il y a 20 ans je prévoyais avec mes collègues des sécheresses marquées comme celle-là, moins de pluie, beaucoup moins d’eau dans les cours d’eau et les nappes. On nous regardait avec des yeux incrédules parce que le paradigme en France jusque-là, c’était que les ressources en eau étaient suffisantes”, raconte Agnès Ducharne.

“Quand on réfléchit à ce qu’il s’est passé depuis dix ans, des sécheresses majeures il y en a eu plusieurs. 2019 apparaissait déjà comme un record historique, qui sera battu cette année. Et probablement donc, la situation de cette année 2022 sera rebattue (à l’avenir)”

De bonnes réactions… à retardement

Aux yeux d’Agnès Ducharne, “on se réveille un petit peu tard” concernant l’eau et notre manière de la consommer. “Après 2019, il y a eu les Assises de l’eau pour engager tous les secteurs à des économies d’eau. J’ai l’impression que ça n’a pas été une grande réussite, à part de jolies intentions, c’est un peu comme pour diminuer le gaz à effet de serre. Il y a manière de faire mieux et si possible vite, (...) car dans certains secteurs c’est une catastrophe”, analyse la scientifique.

En rappelant qu’un Français en moyenne, consomme 150 litres d’eau par jour, mais aussi que les douches et les bains représentent 40% de la consommation moyenne journalière d’un citoyen, Agnès Ducharne pense que chaque petit geste est important pour aider à préserver cette richesse commune que représente l’eau.

“Les petits gestes, on les a tous entendu, là il est utile que tout le monde les fasse, en même temps”

Au-delà de ces initiatives, des mesures restrictives ont été prises dans les départements les plus touchés par la sécheresse : interdiction de laver sa voiture, de remplir sa piscine, etc… Agnès Ducharne juge que “tout a été mis en place au bon moment, les préfets ont été mobilisés dès le printemps”, mais que le réchauffement du climat a été trop longtemps ignoré.

Des sanctions ont aussi été mises en place pour ceux qui ne respectent pas les restrictions mises en place. L’amende peut monter jusqu’à 3000€ en cas de récidive pour un particulier. S’il faudrait “peut-être” alourdir ces sanctions, Agnès Ducharne pointe une autre problématique majeure.

“Ce dont je suis sûre, c’est qu’il n’y a pas assez de personnel pour assurer la police de l’eau et faire les vérifications. Pour vérifier l’eau (consommée par la population), il n’y a pas de manière automatique comme les radars sur la route”, estimant qu’il faudrait donc gonfler ces effectifs de policiers de l’environnement.

C’est l’OFB, l’Office français pour la biodiversité, qui est chargé d’occuper ce rôle de “police de l’eau”. 2800 agents le composent, dont 1700 inspecteurs de l’environnement sur le territoire pouvant contrôler les particuliers, les collectivités, les entreprises ou bien encore les exploitations agricoles.

Alexis Lalemant avec Arthur Asquin