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Températures "normales": le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau taclé après ses propos "rassuristes"

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Alors que le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a évoqué des températures "normales" cet été, l’hydrologue Emma Haziza appelle à faire preuve de "lucidité" et de courage" ce lundi sur RMC.

Le deuxième mois de juin le plus chaud en France, des températures qui frôlent cette semaine les 50°C autour du bassin méditerranéen, aux Etats-Unis ou encore en Chine… Les spécialistes du climat alertent sur une planète en "surchauffe", sous le double effet d’El Nino et du changement climatique. Mais pour le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, invité de France Inter ce samedi, "on a plutôt des températures qui sont assez normales, pour un été", avec "une situation qui s'est stabilisée" sur le plan de la sécheresse. Des propos qui dérangent les climatologues, qui taxent le ministre de "rassuriste".

"Lorsqu’on a un ministère où il faut rassurer les agriculteurs face à un monde qui change, où certaines filières agricoles ne pourront plus tenir avec les températures qu’on a, certains prennent une posture ‘rassuriste’ et décident à un moment de peut-être se voiler la face, dénonce Emma Haziza, experte en hydrologie, dans ‘Apolline Matin’ ce lundi sur RMC et RMC Story. Là, ça va (à l’encontre) de tout ce qui est dit du point de vue scientifique. On est face à une réalité, on n’a jamais connu ça. Certains essayent de rassurer un monde qui est en finition, au lieu de faire face à la réalité. On a besoin de lucidité, de courage. On sait qu’on est en train de basculer dans une période où toutes les constantes sont de l’ordre de l’inconnu. Il va falloir faire avec et surtout agir pour transformer nos territoires."

Car la chaleur va continuer de toucher les cultures et impacter plus largement les modes de vie. "Le climat avait déjà tendance à s’emballer de manière très claire en 2022, qui avait été une année record, souligne Emma Haziza. Là, ce que l’on voit, c’est qu’on a un mix entre un phénomène qui existe depuis 130.000 ans, qui s’appelle El Nino et amène en général des masses d’eau très chaudes en direction des côtes du Pérou et perturbe le climat mondial, et le changement climatique qui lui s’annonçait déjà de manière très claire. On part sur deux années avec ces deux phénomènes. Il n’y a pas un continent qui n’est pas touché par ces canicules."

"Cela nous amène dans l’inconnu"

"Il y a une surchauffe planétaire, avec ce qui est apporté par l’homme et ce qui est naturel, ajoute l’hydrologue. Cela nous amène dans l’inconnu parce que toutes ces constantes-là, on ne les a jamais enregistrées sur Terre de mémoire d’homme. Il faut remonter à 120.000 ans pour avoir de telles températures, une période où l’homme n’était pas là. On a toujours connu une variabilité naturelle du climat, avec des extrêmes. On sort de ce schéma-là, on n’est plus sur une variabilité avec une oscillation naturelle. On est sur une tendance de réchauffement planétaire. Il faut mettre en œuvre une action massive."

Mais comment ralentir ce phénomène de surchauffe? "C’est l’action humaine qui va freiner ou emballer, assure Emma Haziza. On peut faire énormément de choses. Le premier niveau, c’est atténuer, enlever ce qu’on a mis en trop-plein dans l’atmosphère. Et puis on peut s’adapter, parce qu’il va falloir s’adapter à ces températures caniculaires. On sait très bien que les canicules tuent, 60.000 morts l’année dernière en Europe. On n’a pas conscience que les jeunes sont aussi touchés que les personnes âgées. Ces températures caniculaires sont aussi corrélées au nombre de suicides en France ces cinq dernières années. Il va falloir transformer nos villes. On en a besoin en urgence. Cela fait des mois qu’on voit que la situation va se produire et on n’a pas vu pour autant un carré vert, plus d’arbres… On ne s’est absolument pas préparé."

LP