"Un cauchemar": un mois après l'incendie de l'Aude, traumatisme, galères administratives et avenir flou

Il y a un mois jour pour jour, le plus gros incendie des 50 dernières années en France se déclarait dans l'Aude. Le feu a parcouru 17.000 hectares, faisant un mort et détruisant 36 habitations. Un mois après, dans l'Aude, le paysage est toujours aussi apocalyptique.
Quand on parcourt les villages de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, des Joncquières, de Coustouge, le paysage est lunaire. Des troncs d'arbres calcinés ressortent des collines, elles aussi complètement noires et cette odeur de brûlé persiste. Un mois après, l'émotion est encore forte pour Paul Berthier, le maire de Coustouge.
“J’ai pleuré les premières heures, les premiers matins. On ne pleure plus, mais ça reste dur. C’est un paysage assez cauchemardesque alors qu’avant le 4 et 5 août, c’était idyllique”, indique-t-il.
Le traumatisme encore présent, notamment chez les enfants
Mais la vie doit reprendre. Amélie avait été relogée tout l'été avec ses enfants, elle est revenue habiter à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse dans sa maison touchée par les flammes, il y a quelques jours seulement. “Les enfants demandaient à retrouver leur maison alors avec la rentrée scolaire, on s’est dit: on revient. En fait, tout ça là, il y avait le feu dans le jardin. On avait la terrasse avec la piscine et la pergola… Et là, il ne reste plus rien. Dès qu’on entend une sirène ou que l’on voit un peu de fumée de suite pour les enfants, c’est ça y est le feu reprend. Donc ça reste encore vraiment très compliqué”, assure-t-elle.
Mais au milieu de tout ça, un mois après, c'est le moment de se plonger dans les papiers, les assurances, les rendez-vous avec les experts pour Amélie.
“On me demande un acte de notaire pour assurer que je suis propriétaire comme si mon assurance ne savait pas que je suis propriétaire. On me demande des relevés d’hypothèque, on me demande des factures, des photos. Mais des photos de quoi, il n’y a plus rien ?! Alors je recherche dans des photos d’il y a des années, des mois pour prouver que j’avais bien un salon de jardin...”, s’emporte-t-elle submergée par l’émotion.
Pour les viticulteurs, la récolte 2026 déjà en question
Ceux qui ont également été très fortement touchés par l’incendie, ce sont les viticulteurs. Certains ont tout perdu ou presque, c'est le cas de Laurent Lignière. 90% de ses vignes sont inexploitables, son matériel agricole est détruit. Il enchaîne depuis un mois les rendez-vous avec les experts pour se faire indemniser.
“C'est plusieurs centaines de milliers d’euros de manque à gagner. On nous demande des justificatifs, de fournir des documents de l’existant, c’est normal. Pour un événement exceptionnel comme ça, il faut mettre en place des mesures exceptionnelles, simplifier les choses"
"On ne peut pas se permettre de reconstruire, de demander un permis de construire et de l’avoir plusieurs mois après. Il faut que ça aille vite”, appuie-t-il.

Aller vite car, en effet, chaque jour compte maintenant. Il faut déjà préparer l'été 2026. Beaucoup de viticulteurs ne sont pas sûrs de pouvoir assurer une récolte l'année prochaine. Un fond d'aide de 8 millions d'euros a été lancé par le ministère de l'Agriculture. Mais c'est une solution d'urgence, sur le long terme les viticulteurs craignent des pertes énormes dans un secteur où la sécheresse avait déjà fait des dégâts ces dernières années.
En attendant, l’enquête pour déterminer l’origine du feu est toujours en cours. Selon le parquet de Montpellier, il ne fait aucun doute que l'incendie est d'origine humaine puisque toute cause naturelle a été écartée. Reste à savoir maintenant si c'était accidentel ou volontaire. Les experts qui travaillent sur ce dossier, estiment que cet incendie pourrait être d'origine criminelle après avoir analysé les conditions du départ de feu. D'après le parquet de Montpellier, les investigations vont prendre du temps voire beaucoup de temps avant de livrer, peut-être, des réponses.
L'inquiétude de nouveaux feux dans les années à venir
Et alors que sera la suite après le passage de l’incendie? Si on regarde ce qui se passe pour les feux de ces dernières années, il y a une chance de revoir un jour une belle forêt dans les Corbières, mais ça risque de prendre du temps. C'est en tout cas l'analyse de Christophe Chantepy, expert incendies pour l'office nationale des forêts.
“Ce n’est pas compliqué. Si avant un incendie, sur un espace, on avait une forêt qui avait 50 ans d’âge, la même forêt, on l’aura dans 50 ans. Mais la nature a horreur du vide donc en général elle revient assez bien. Elle arrive à s'accommoder d’incendies quand ce n’est pas de manière récurrente. Parce que si tous les 15 ou 20 ans il y a un feu qui passe, les arbres n’ont pas le temps d’être matures”, pointe-t-il.
Pas de nouveau feu pendant une quinzaine d'années à cet endroit pour revoir une belle forêt donc. Un chiffre qui a de quoi inquiéter. Rien que cet été, un autre incendie avait ravagé 2000 hectares à quelques kilomètres seulement du massif des Corbières.