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Sidaction: le Truvada, un traitement interdit en France qui semble faire ses preuves

Pilules de Truvada.

Pilules de Truvada. - Kerry Sheridan - AFP

La 21e campagne du Sidaction a débuté vendredi et dure tout le week-end. Zoom sur un traitement préventif autorisé au États-Unis mais interdit en France, et qui semble faire ses preuves : le Truvada. Une étude réalisée dans le milieu homosexuel plaide pour son autorisation en France.

C'est un médicament qui commence à faire ses preuves, selon ses partisans. Alors que le sida touche encore 35 millions de personnes dans le monde, dont 150.000 en France, l'espoir pourrait venir du Truvada, un traitement à base d'antirétroviraux que prennent déjà les séropositifs. Un médicament qui peut également être utilisé en prévention par les personnes séronégatives. L'utilisation préventive de ce médicament est autorisée aux Etats-Unis depuis trois ans, mais interdite en France et en Europe. Afin d'étendre son utilisation à la France, une étude est en cours en ce moment au sein de la communauté gay française: l'étude Ipergay, dont les premiers résultats sont annoncés comme encourageants. Selon cette étude, la prise de Truvada avant et après chaque rapport sexuel réduirait de 86% le risque de la contamination.

"Tant qu'à faire autant prendre un filet de secours"

RMC a rencontré des personnes qui ont recours au Truvada pour se protéger du sida. Depuis 5 mois, Maxime s'en procure auprès d'amis séropositifs, et il en a déjà un usage décomplexé. "Si je prends du Truvada en prévention, c'est parce que parfois je prends des risques, explique-t-il. Pour moi il vaut mieux prendre du Truvada que de ne rien prendre du tout quand je n'arrive pas à mettre de préservatif". Deux comprimés avant et après chaque rapport… c’est aussi ce que prend Bruno, un des volontaires de l’expérience Ipergay, qui en prend depuis deux ans et demi. "Tant qu'à faire autant prendre un filet de secours. Ça ne m'empêche pas de mettre des capotes, mais c'est au cas où ça n'arrive pas, parce que j'ai trop bu ou que mon partenaire ne veut pas". Il l'assure : "maintenant je me sens beaucoup plus confiant dans ma sexualité et paradoxalement quand on se sent plus en maitrise on prend moins de risques".

"On risque d'avoir des personnes faussement rassurées"

Fort de ces expériences, le professeur Jean-Michel Molina, de l'hôpital Saint-Louis à Paris, coordinateur de l'étude Ipergay, milite pour l'autorisation de l'usage du Truvada pour la prévention. "A partir du moment que l'épidémie n'est pas contrôlée, qu'à Paris le risque de transmission à Paris est de 9% par an, on ne peut continuer à fermer les yeux et ne pas mettre en place de nouveaux outils de prévention qui ont une efficacité remarquable. Il faut bien sûr utiliser cette stratégie en combinaison avec le préservatif et le dépistage et le traitement des autres maladies sexuellement transmissibles. Mais il faut se demander, maintenant qu'on sait que c'est efficace, de quelle façon mettre cet outil à la disposition des personnes".

Mais pour le professeur Francis Barin, du CHU de Tours, l'utilisation du Truvada pour la prévention peut avoir des effets pervers. "On risque d'avoir des personnes faussement rassurées, qui oublient dans ces conditions le préservatif et du coup, on voit à côté une recrudescence des transmissions des autres maladies sexuellement transmissibles". L'Agence nationale de sécurité du médicament réfléchit en ce moment à une recommandation temporaire du Truvada. Ce serait une première en Europe.

Philippe Gril avec Judith Chetrit