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Couple, porno, Tinder… un livre-enquête ausculte la vie intime des jeunes loin des idées reçues

Un jeune couple - Illustration

Un jeune couple - Illustration - Unsplash

Marie Bergström, sociologue et autrice de "La sexualité qui vient: jeunesse et relations intimes après Metoo" aux éditions de la Découverte, sera l’invitée du 7h40 mercredi sur RMC.

Le couple comme idéal de vie, un âge du premier rapport sexuel qui recule, un nombre de partenaires qui augmente: loin des clichés sur une génération "Tinder" ou nourrie au porno, "La Sexualité qui vient", qui paraît jeudi, éclaire la vie sexuelle et relationnelle des jeunes adultes, souvent à rebours des idées reçues.

Ce livre publié chez La Découverte analyse l'Enquête sur la vie affective des jeunes adultes (Envie) menée en 2023 par l'Institut national des études démographiques (Ined) auprès d'un échantillon de 10.000 personnes de 18 à 29 ans.

La fin du couple, le rejet de l'engagement?

"On a souvent parlé d'un rejet de l'engagement des jeunes ou de la mort du couple ou de l'amour. Mais le couple reste la situation majoritaire et un idéal de vie très fort des jeunes adultes", explique Marie Bergström, qui a coordonné l'étude écrite par une vingtaine de chercheurs. Deux tiers des 18-29 ans disent avoir été en couple dans les douze derniers mois.

"L'exclusivité" sexuelle est très importante, montre l'étude: "Cela ne va plus de soi d'être exclusif. Or 88% d'entre eux décident d'être exclusifs", donc fidèles, relève la sociologue.

Les jeunes qui ne sont pas en couple évoquent une diversité de relations: 21% ont connu une "histoire d'un soir" dans l'année, et 15% une "relation suivie" ("sexfriend", "amitié sexuelle", "plan cul régulier").

Si l'injonction autrefois était de se marier, les jeunes ont aujourd'hui une "injonction à expérimenter, profiter de leur jeunesse avant de s'installer dans la conjugalité", observe la sociologue. Mais le couple reste "un idéal de vie très fort" et la moitié des 26-29 ans vivent en couple cohabitant. Il y a un report dans le temps de la mise en couple et donc de la parentalité.

Si un quart des jeunes présentent des signes de détresse psychologique, les personnes en couple (21%) y sont moins exposées que les célibataires (29%). Les minorités sexuelles sont aussi plus affectées que les hétérosexuels, avec des prévalences supérieures de dix points de pourcentage.

Une "génération No Sex"?

"On a beaucoup parlé de désintérêt des jeunes pour la sexualité ou d'asexualité" (ne pas ressentir d'attirance sexuelle), relève Marie Bergström, mais moins de 1% d'entre eux se définissent comme "asexuel".

"On entend qu'avec le débat sur les violences sexuelles et le consentement, on ne peut plus draguer", mais l'étude met en évidence "une intensité et une diversité relationnelle" dans la jeunesse, avec un nombre de partenaires sexuels qui a augmenté dans le temps récent: les femmes en déclarent huit contre quatre en 2006. Pour les hommes, on est passé de 8 à 12.

15% des jeunes s'identifient autrement qu'hétérosexuels, contre moins de 3% en 2006: 19% des femmes, 8% des hommes. Moins de 2% se définit comme "non-binaire" (ne se sent pas strictement homme ou femme).

"Ils couchent de plus en plus tôt"?

L'âge médian du premier rapport sexuel, qui n'avait cessé de baisser depuis le milieu du XXe siècle, augmente pour les générations nées à partir de 1997.

"Il est de 18 ans pour les jeunes nés en 2000-2004, contre 17,4 pour ceux nés en 1993-1996. C'est la première étude qui montre en France cette tendance, repérée dans d'autres pays", relève Marie Bergström.

Plus spécifiquement, l'âge du premier rapport a été reporté chez les "jeunes Covid", qui ont eu 18 ans en 2020, dont la vie sociale a été étouffée par les politiques mises en oeuvre pour contenir l'épidémie.

Une éducation sexuelle par le porno?

Pour s'informer sur la sexualité, le porno est cité par les hommes et les femmes, mais après d'autres sources: les partenaires, puis les amis, les professionnels de l'éducation et de la santé, et enfin le numérique, dont les réseaux sociaux et le porno. "La pornographie est banalisée mais n'a pas pris toute la place", commente Marie Bergström.

Génération Tinder?

56% des jeunes ont utilisé les applis de rencontres, mais elles mènent plus à des "histoires d'un soir" (une sur cinq a commencé sur une appli) qu'à des couples (11%). Leur usage est courant mais les jeunes se rencontrent d'abord sur le lieu d'étude, dans des fêtes et par leur groupes d'amis.

C.A avec AFP