Dans le Pas-de-Calais, un prof enseigne grâce à Koh Lanta: "L'ennemi, c'est l'ennui des élèves"

Depuis le lancement de la nouvelle saison de Koh-Lanta sur TF1 le 21 février dernier, les élèves du collège de Fauquembergues (Pas-de-Calais) suivent chaque semaine le programme télévisé, puis visionnent des extraits en classe avec leur enseignant. Et les sujets de débat ne manquent pas. C'est le journal Le Parisien qui raconte l’expérience dans le détail. Sur le plateau d'Estelle Midi ce mardi, ce parti pris du professeur fait sensation.
Deux aventuriers s’expliquent après leur échec lors de l’épreuve de confort, l’un reprochant à l’autre de ne pas "avoir eu un comportement d’homme". Mais c’est quoi être un homme? Où est la place de la femme? C'est le point de départ du débat en classe. D’autres notions qui collent au programme d’histoire-géographie, mais aussi d’éducation morale et civique de 6ème. Tout comme l’appréhension des risques liés à la nature sauvage, la mousson ou les volcans lors d’une séance sur les Philippines où se déroule l’émission.
"A chaque saison, on retrouve les mêmes ingrédients qui font écho à des notions d’éducation civique: les rivalités jeunes-vieux, hommes-femmes… Alors qu’en géographie, le programme de 6e comporte les thématiques ‘habiter en bord de mer’ et ‘habiter en milieu difficile’", raconte l’enseignant au Parisien.
Une idée qui n'est pas nouvelle pour lui puisqu’il y a 3 ans, il avait déjà proposé à ses collégiens de suivre Pékin Express, l'émission diffusée sur M6, lors de la saison qui déroulait depuis le Kirghizistan à Dubaï. Un sujet parfait pour illustrer les milieux désertiques, les milieux urbanisés, les pays riches et les pays pauvres.
"L'ennemi des profs, c'est l'ennui des élèves"
Pour le professeur d'histoire-géo Benjamin Amar, c'est "frappé de bon sens". Il valide totalement l'initiative.
"L’ennemi des profs, c’est l’ennui des élèves. Il n’y a rien de plus démoralisant pour un professeur que de voir des élèves s’ennuyer en cours. On cherche toujours à choper leur intérêt", détaille-t-il.
Et il a pu lui-même faire des expériences similaires en classe pour captiver l'attention: "Je le fais souvent à travers le lien cinéma et histoire. Vous arrivez à capter leur intérêt". Mais ce n'est pas qu'en classe qu'il peut être ludique d'apprendre. Les voyages scolaires peuvent être l'occasion de divertir les élèves tout en leur faisant découvrir la ville. "Plutôt que de faire comme je faisais au début, en les amenant de manière magistrale, j’organise des rallyes relais, en les obligeant à aller chercher des informations". Et ça fonctionne bien!
"Les programmes de l’Éducation nationale vous permettent d’avoir un éventail de sources. Si vous arrivez à choper les élèves par ce biais-là et ensuite faire des cours, carrés avec du contenu, pourquoi pas! Si le travail derrière est sérieux et fin, je ne vois pas le problème”, raconte Benjamin Amar.
"J'aurais adoré avoir ça"
Et même si sur le plateau de RMC l'idée de cet enseignant du Pas-de-Calais a pu surprendre, elle a finalement mis tout le monde d'accord. Frédéric Hermel, chroniqueur, le confirme: "Je me suis dit ‘c’est quoi cette connerie?’ et en réfléchissant, j’aurais adoré avoir ça. Et puis c’est de la liberté pédagogique". Avis partagé par la militante Anne-Sophie Simpere. "En voyant ce qu’il arrivait à sortir de Koh-Lanta, je trouve ça hyper intéressant", explique-t-elle.
"C’est old school d’imaginer que l'apprentissage doit forcément être fastidieux, avec un film d’auteur un peu inaccessible pour des gamins de 12 ans qui, de toute façon, vont aller regarder Koh-Lanta après", développe la chroniqueuse.
Et elle poursuit: "On fait beaucoup plus mémoriser les choses si on amuse les gamins, si on les fait s’engager dans la discussion!"
Apprendre les maths avec Virtual Regatta
Et ça, Fabrice, auditeur et professeur de mathématiques, peut le confirmer. Comme il l'explique sur RMC Story, il a lui-même pris la décision d'utiliser le jeu Virtual Regatta, jeu de simulation qui consiste à créer son voilier et participer au Vendée Globe en direct avec les skippers.
"Je leur ai créé un bateau et toutes les semaines, on allait voir l’évolution et ça me permettait d’aborder des thèmes tels que les fractions, les pourcentages, la géographie, les forces, les vents, la météorologie, la longitude, latitude etc", raconte Fabrice.
Mais est-ce que ça marchait vraiment pour leur apprentissage? "Ça marchait fortement même! Lors de réunions avec les parents d’élèves, ces derniers étaient très contents et me disaient que les enfants étaient impatients d’aller en cours de maths, ce qui ne leur arrivait quasiment jamais".
"On faisait ce point régulier, c’était assez génial. Et ils ont fait un bon classement (sur Virtual Regatta, ndlr) en plus”, s'enthousiasme le professeur.
Alors utiliser l'émission de téléréalité Koh-Lanta a aussi ses avantages, et comme le conclut Frédéric Hermel: "Koh-Lanta c’est pas juste un divertissement, il y a aussi des vrais sujets de civilité et moralité. Ça les incite à regarder autrement”.