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"Je vais arrêter et travailler": pour les étudiants sans alternance, une galère aussi financière

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Nombreux sont les étudiants à ne pas trouver d'alternance, considéré souvent comme un tremplin pour l'insertion professionnelle. Pourtant, c'est aussi un problème financier pour de nombreux jeunes, qui sans contrat, doivent payer les frais de formation de leur établissement, parfois très onéreux.

Trouver une alternance s’avère cette année encore plus difficile pour de nombreux étudiants. La faute à un contexte économique tendu, mais aussi à la baisse des aides de l’État qui refroidit les entreprises. Résultat : des centaines de candidatures envoyées, pour très peu de réponses.

"Plus d’une centaine", lâche une étudiante au micro de RMC. "À 150, 200 entreprises… et quasiment que des retours négatifs", ajoute une autre. Une troisième témoigne : "Sur plus de 200 CV, moins de 10 entretiens… Ca fait mal au crâne." Parfois, la disproportion est encore plus grande : "1 entretien pour 100 CV envoyés… Cest énorme. Ça me décourage, mais on n’a pas le choix si on veut éviter de payer l’année."

Désengagement brutal des entreprises

Car au-delà de l’expérience professionnelle, l’alternance est une nécessité pour financer sa scolarité. Dans certaines écoles de commerce ou de communication, les frais dépassent 10.000 euros par an. Avec un contrat d’apprentissage, l’entreprise et un opérateur de compétences couvrent ces coûts.

Cloé, étudiante en master communication à Bordeaux, avait décroché une alternance avant que son entreprise ne rompe son contrat à la rentrée. "On va arriver en octobre, je pense que l’école va pas tarder à m’appeler pour payer… Moi je pourrai pas. Je pense que je vais arrêter, travailler pendant un an, et reprendre mon master après, en espérant avoir une alternance l’année prochaine", explique-t-elle, fataliste.

Un désengagement brutal des entreprises, largement lié à la baisse des aides publiques. Jusqu’à février 2025, elles percevaient 6 000 euros par alternant. Depuis, l’aide est réduite à 5 000 euros pour les PME et à seulement 2 000 euros pour les grandes entreprises. Une mesure confirmée par L’Étudiant, qui souligne que l’Insee prévoit 65 000 postes d’alternance détruits en six mois sous l’effet du "durcissement des politiques de l’emploi".

Des contrats en baisse

La tendance tranche avec les années précédentes, où l’apprentissage dans le supérieur ne cessait de croître. Comme le rappelle Le Parisien, selon une note du ministère de l’Enseignement supérieur, le nombre d’apprentis a progressé de 3 % en 2024 et de 14 % en deux ans — un rythme toutefois bien moindre qu’entre 2020 et 2022 (+78 %).

Mais 2025 marque une rupture. Selon la plateforme JobTeaser, la réduction des aides en février a provoqué un choc immédiat : "Entre mars et juillet 2025, les PME ont publié 85 % d’offres en moins par rapport à 2024, sans report constaté sur les stages ou premiers emplois".

Même constat du côté de la Dares : le nombre de contrats commencés en 2025 était déjà en baisse de 6 % fin mars, avec seulement 57 500 nouveaux contrats, dont 27 200 dans le supérieur. Cela représente un recul de 16,3 % en un an, note encore L’Étudiant.

Des classes qui risquent de fermer

Pour les organismes de formation, la situation pourrait déclencher un effet boule de neige. Mathieu Naud, président d’une fédération d’organismes de formation en Nouvelle-Aquitaine, tire la sonnette d’alarme : "Il faut qu’on ait un minimum d’apprentis dans les classes. S’il en manque 1 %, 2 %… le risque, c’est que la classe n’ouvre pas."

Dans d’autres secteurs, comme le BTP, la tendance se confirme. En Gironde, le nombre d’alternants a chuté de 6 %. Thierry Leblanc, président départemental de la Fédération française du bâtiment, reconnaît un "secteur tendu. Les entreprises ont moins de visibilité, elles font des restrictions, et elles n’embauchent pas sans perspectives."

Le choix de la rédac : Pour les étudiants, la galère de trouver une alternance - 26/09
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Cette baisse inquiète aussi les associations. Pour Pascal Picault, de la FNADIR, le danger est clair : "C'est dramatique pour les jeunes. Pour signer des contrats, il faut une dynamique économique. Or ça ne se joue pas de la même façon dans une petite entreprise que dans un grand groupe, qui lui a plus de stabilité."

En France, le chômage des 15-24 ans atteignait déjà 18,5 % en juillet 2025, contre 14,4 % en moyenne en Europe.

Pierre Bourgès