"L'école est là pour former des citoyens": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

L’école en France, c’est l’école de la ressemblance, pas celle de la nuance. La laïcité, c’est la partie émergée de l’iceberg. L’école a une fonction. C’est d’abord le bras armé de l’État. Sa mission, c’est transmettre la connaissance, mais c’est aussi former des citoyens. C’est-à-dire apprendre aux élèves qu’au-delà des différences, il y a un point commun: c’est la République et ses valeurs.
L’État doit donc se saisir du problème avec plus d’autorité. La démission de l’État, ce n'est pas récent. Ça a d’ailleurs commencé par un renoncement sur la laïcité. C’était en 1989. Des élèves avaient été refusées d’un collège de la ville de Creil parce qu’elles portaient un foulard. Le principal de l’établissement l’avait fait au nom de la laïcité. Ce qui avait provoqué un scandale politique.
Les uns défendaient la liberté religieuse, les autres la laïcité. Et après une longue procédure, l’Éducation nationale avait finalement répondu que c’était aux chefs d’établissement de décider. Au cas par cas. L’État refusait donc d’assumer sa responsabilité et de statuer dans un sens ou dans un autre. Depuis, il y a eu beaucoup de lois, mais aucune n’a vraiment réglé la question. La preuve, on attaque encore des professeurs.
Avant, l’école avait plus d’autorité
Avant, l’école avait plus d’autorité sur ces sujets et elle était surtout plus contraignante, pour ne pas dire autoritaire. Depuis la Révolution, l’école a une mission: favoriser l’unité de la République. Et ça commençait par imposer la langue française partout. Gros boulot puisque, au début du XXe siècle, le français est la langue unique dans seulement 55% des foyers.
Cette lutte contre les langues régionales a été autoritaire et ça a laissé des traces, y compris jusqu’à nos jours. La IIIe République, c’était aussi la formation du soldat citoyen. Rendez-vous compte, il y a même eu des bataillons scolaires au sein des écoles dans les années 1890. C’est-à-dire des sortes de formations aux maniements des armes. Car à l’époque, la priorité, c’était récupérer l’Alsace et la Lorraine.
Il y avait aussi une instruction morale. Les professeurs enseignaient des règles de bonne conduite. Le but, c’était de remplacer la morale chrétienne par la morale républicaine. La République voulait être une sorte de nouvelle religion, et donc elle avait, elle aussi, son catéchisme, ses règles. Et ses fidèles, ça s’appelle des citoyens.
L’école doit-elle redevenir aussi contraignante?
Mais ça ne sert à rien d’idéaliser le passé. L’école de la IIIe République n’était pas idéale, elle était plus inégalitaire et plus élitiste que la nôtre. Mais une société, ça implique un minimum de ressemblances, de points communs, d’accords sur des valeurs. Ce ne sont pas des paroles en l’air, c’est la condition de la paix civile.
Et en France, historiquement, l’école s’est occupée de ça. Si l’État ne veut plus le faire, qu’il le dise, mais qu’il trouve une autre solution. Cette absence d’autorité conduit à des situations dramatiques où, à la fin, ce sont les professeurs qui trinquent. La République, ce n'est pas une start-up où on libère les énergies, c’est une éducation.