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Éducation

"Les risques ne sont pas minces": faut-il obliger les profs à montrer des caricatures?

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REPORTAGE RMC - Les présidents de régions ont annoncé lundi qu'un petit livre de caricatures allait être distribué à tous les élèves à la rentrée en réponse à l'attentat visant un prof. Les enseignants sont divisés sur la méthode.

Les régions vont prochainement distribuer à chaque lycéen un fascicule de caricatures en réaction à l'assassinat du professeur d'histoire-géographie vendredi à Conflans-Sainte-Honorine.

Le président des régions de France, Renaud Muselier, a annoncé lundi lors du Congrès des régions de France à Saint-Ouen qu'un ouvrage allait être publié, rassemblant "les caricatures religieuses et politiques les plus marquantes" de la presse régionale et nationale.

"Un collège d'historiens" sera chargé de "mettre en perspective le droit à la caricature dans l'histoire politique de notre pays".

"On ne doit pas se renier. Si on se renie ça va se retourner contre nous"

Mais les professeurs ont-ils toujours le courage de montrer ces dessins ? Le corps enseignant est divisé. Les caricatures du prophète Mahomet et tout autre dessin satirique ont toute leur place en classe selon Jean-Baptiste Guégan. Le recueil distribué par les conseils régionaux sera donc un bon outil selon ce professeur d'histoire, pour continuer de les présenter à ses élèves parisiens

"Toute initiative est bonne à prendre. On est là pour apporter à l'élève la capacité de porter un regard critique sur le monde tout en lui donnant les éléments pour le comprendre. Et aujourd'hui, ça passe par l'étude des caricatures. C'est notre responsabilité professionnelle. On ne doit pas se renier. Si on se renie ça va se retourner contre nous. C'est un vrai risque pour notre démocratie."

Pour ne pas se renier, de nombreux enseignants demandent que l'étude des caricatures devienne même obligatoire. Stéphane Rio, enseignant à Marseille, n'est pas d'accord. Ces dessins suscitent parfois trop d'hostilité de la part des jeunes. Il a choisi depuis plusieurs années de ne plus les étudier.

"Je suis attaché à ne pas brusquer des élèves. L'école, ce n'est pas imposer les choses, l'école c'est vraiment éclairer les esprits. Je ne voudrais pas que la laïcité se rejette. La laïcité est une valeur extrêmement noble qui est intègre, je suis très attaché à ça. J'ai peur qu'il y ait un clivage entre élèves et enseignants."

Ces enseignants, plus réticents, doivent être entendus, souligne l'association des professeurs d'histoire-géographie, sans pour autant "baisser les bras".

"Il nous paraitrait extrêmement délicat d'envoyer tous les enseignants au devant de difficultés particulièrement grandes"

Il faut laisser aux enseignants la liberté ou non de montrer ses dessins selon son président Franck Collard.

"Pour l'instant, les risques qui existent ne sont pas minces, on peut le voir. Il nous paraitrait extrêmement délicat d'envoyer tous les enseignants au devant de difficultés particulièrement grandes. Il faut laisser la possibilité de procéder autrement tout en gardant le même message, le même contenu."

Plusieurs professeurs demandent l'instauration d'un dialogue avec les familles sur la liberté d'expression ou la laïcité pour apaiser le climat des classes les plus difficiles.

Nicolas Traino (avec J.A.)