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"On a abandonné certains quartiers": la Défenseure des droits alerte sur les affectations scolaires

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Dans "Apolline Matin" ce jeudi sur RMC et RMC Story, la Défenseure des droits Claire Hédon alerte sur la situation dans certains quartiers, notamment sur la question des affectations scolaires.

Après la mort du jeune Nahel à Nanterre, d’un tir policier, la Défenseure des droits s’est autosaisie et mènera une enquête avec ses services, quand la justice aura terminé son travail. Avec l’objectif de comprendre ce qu’il s’est passé et pourquoi la situation s’est embrasée ensuite dans de nombreuses villes. "Laissons pour l’instant le temps à l’enquête judiciaire. Nous allons nous enquêter sur plusieurs points, notamment la question de la formation, au tir et aussi au respect de la déontologie, à l’encadrement. Et la question de la loi de 2017 qui rend plus floue la légitime défense", explique Claire Hédon dans "Apolline Matin" sur RMC et RMC Story.

"Il faut chercher à comprendre, souligne la Défenseure des droits. Je condamne toute violence. Chercher à comprendre, ce n’est à aucun moment excuser ni justifier. Mais on ne peut pas faire l’économie de ne pas comprendre ce qu’il se passe en ce moment. On ne peut pas laisser un face-à-face entre les forces de l’ordre et les jeunes de certains quartiers. Ce n’est pas possible. La responsabilité n’est pas non plus que celle de l’école. Il faut réfléchir collectivement sur ce que ces jeunes subissent."

Et selon Claire Hédon, parmi les difficultés pour les jeunes, il y a notamment les affectations scolaires. Un sujet sur lequel elle lance l’alerte. "Les lycéens sans lycée, des jeunes qui ne sont pas affectés dans des écoles alors qu’ils étaient admis, cela me parait excessivement délétère. On a découvert ça à la rentrée de l’année dernière. C’est un phénomène qui existait déjà mais qui est en train de monter. Il y a, entre autres, 58 jeunes à Grigny qui étaient admis en seconde mais n’étaient pas affectés dans un lycée. C’est près de 18.000 élèves à la rentrée 2022, une augmentation de 30% entre 2021 et 2022. Donc le phénomène va en s’aggravant. Il y a aussi des jeunes de seconde qui ne sont pas affectés dans un lycée pour la première et des jeunes qui ont raté le bac et veulent redoubler."

"Cela ne favorise pas la réussite scolaire"

"Grigny, c’est la ville la plus pauvre de France, ajoute Claire Hédon. Je ne ferai pas la corrélation directe (avec les émeutes, ndlr). Je ne vais pas rajouter une accusation. De façon générale, on a abandonné certains quartiers. Il y a aussi les difficultés d’accès aux services publics, avec la dématérialisation. Affelnet, pour les affectations, c’est entièrement dématérialisé. Les mamans disent aussi qu’elles ne peuvent plus aller voir l’inspecteur d’académie. Cela fait partie de nos demandes. S’il y a un problème d’affectation, il faut pouvoir avoir un rendez-vous, s’expliquer, et en juillet, pas en septembre.

Pourquoi ces élèves ne sont-ils pas affectés? "Il y a le manque de places, notamment dans certaines filières, explique la Défenseure des droits. Par exemple, des jeunes que j’ai rencontrés voulaient faire un bac pro et un CAP en petite enfance et aide à la personne, qui sont deux métiers en tension, et il n’y a pas suffisamment de places. L’autre problème, c’est l’exemple d’un jeune qui est affecté dans un lycée à une heure de chez lui, alors qu’il y en a un à cinq minutes de chez lui. Vous vous rendez compte de la violence pour ce jeune? En l’occurrence, ce jeune a été agressé dans le RER D, donc tous les matins, sa mère l’emmenait pour ne pas qu’il soit seul dans le RER. Et la maman a aussi un enfant en bas âge. Pour la rentrée de première, il ne sait pas où il est affecté."

La procédure d’affection doit aussi être plus rapide. "Dans notre demande au ministère, on pense qu’il faut que le second tour d’affection soit avant les vacances, souligne Claire Hédon. Là, ce n’est que début septembre. Il y a l’angoisse. Et des jeunes qui ne font pas la rentrée scolaire. Ils arrivent un mois, et même jusqu’à deux mois, après la rentrée. Cela ne favorise pas la réussite scolaire." Mais selon la Défenseure des droits, la réflexion doit être plus large: "On ne peut pas laisser un face-à-face entre la police et les jeunes, on ne peut pas tout remettre sur le dos de l’Education nationale. C’est tout un ensemble. C’est aussi l’accès au travail, au logement. Il faut réfléchir à toutes ces questions dans leur ensemble".

LP