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Suicide de Lindsay: "bouleversé et menacé de mort", le principal veut "rétablir certaines vérités"

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Dans "Apolline Matin" ce vendredi sur RMC et RMC Story, Me Frank Berton, avocat du principal du collège de Lindsay, qui s’est suicidée le 12 mai sur fond de harcèlement scolaire, défend les décisions prises avant le drame.

Il n’a pas pris la parole depuis le drame. Doris W., principal du collège de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), où était scolarisée Lindsay (13 ans), qui s’est suicidée le 12 mai sur fond de harcèlement scolaire, sort du silence par l’intermédiaire de son avocat, Me Frank Berton. Menacé de mort, il a déposé plainte. Et compte "rétablir un certain nombre de vérités" sur la prise en charge du dossier par son établissement scolaire dans les semaines qui ont précédé cette tragédie.

"Mon client a une obligation de réserve, explique Me Frank Berton dans ‘Apolline Matin’ ce vendredi sur RMC et RMC Story. Il n’a pas jamais pu s’exprimer parce que c’est son statut et parce que l’académie lui a demandé ne pas le faire. Les semaines se sont écoulées en traversant ce drame, parce que lui et l’équipe pédagogique sont bouleversés par la mort de Lindsay. C’est le point essentiel de son état d’esprit. Mais parallèlement, suite à un déchainement médiatique, il a été pointé du doigt, accusé. On est même venu dire qu’il avait du sang sur les mains. Il est menacé de mort tous les jours. Lorsqu’il se rend à son travail, il est obligé de changer d’itinéraire. Au collège, ils reçoivent régulièrement des lettres de menaces. A tel point qu’il a dû déposer plainte, à la mi-juin. Donc il m’a demandé de rétablir un certain nombre de vérités dans ce dossier, mais aussi essayer d’apaiser les choses."

"On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de contact entre la famille de Lindsay et le collège"

Selon l’avocat du principal du collège, alors que la famille pointe l’inaction de l’établissement, "les choses ne sont pas aussi simples". "J’ai accès au dossier éducatif, à tout ce qui a pu être fait depuis le mois de février, indique Me Frank Berton. En février, deux bagarres vont éclater à la sortie du collège. Le 6 février, il va y avoir une bagarre entre Lindsay et l’une de ses camarades. Les vacances sont juste dans la foulée. Un conseil de discipline va être réuni pour exclure la camarade qui a frappé Lindsay. La maman de Lindsay va être convoquée. Il a été dit partout que le collège n’avait pas réagi, qu’il n’y avait eu de convocation. Le 6 février, la maman est convoquée par le CPE et elle ne vient pas. Elle sera re-convoquée le 27 février, parce que c’est la reprise des cours, qu’il y a eu cette bagarre, qu’il y a le conseil de discipline où sa camarade est exclue. Elle voit le CPE, l’infirmière, la directrice adjointe, donc on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de contact entre la famille de Lindsay et le collège."

Après les vacances de février, le principal continue de traiter le dossier, notamment après la demande d’information formulée par l’académie en réponse au signalement de la mère sur des faits de harcèlement. "Au retour de congés, il réunit l’équipe pédagogique, souligne son avocat. Il y a une enquête qui est faite pour réellement savoir ce qui est fait au sein de l’établissement. Il répondra en disant: ‘Nous, nous n’avons pas le sentiment qu’il ait du harcèlement. Il y a eu deux bagarres, point à la ligne’. Mais ‘point à la ligne’, ce n’est pas dans le sens ‘circulez, il n’y a rien à voir, on ne fait plus rien’, pas du tout. A la mi-avril, la direction, les professeurs, se rendent compte que Lindsay arrive en retard à l’école régulièrement, qu’elle ne travaille plus, que manifestement ça ne l’intéresse plus. Ils mettent en place une commission pédagogique. On prévient la maman, on lui dit ‘venez nous voir début mai, on a besoin d’encadrer Lindsay’. Il y a des choses qui sont faites, contrairement à ce qui a pu être dit, comme ‘le collège l’a laissée à l’abandon’. Ils s’inscrivent tous, les uns et les autres, en faux face à cette affirmation."

"Il y a des regrets énormes au niveau de la direction du collège mais aussi des enseignants"

Un mois et demi après le suicide de Lindsay, le Vendin-le-Vieil reste encore extrêmement marqué. "Mon client, quand je reçois, est en larmes, indique Me Frank Berton. Cet homme est bouleversé par ce drame. C’est une réalité. La grand-mère de Lindsay est venu le voir, deux jours après le décès, en disant ‘on ne veut voir personne du collège aux funérailles’. Un journaliste m’a dit: ‘C’est quand même honteux qu’ils ne soient pas venus aux funérailles’. Mais on leur a interdit de le faire. J’ai rencontré des gens qui sont bouleversés et respectent bien évidemment le deuil et la colère, qui n’est pas compréhensible mais qui existe, de cette famille. Il n’y a pas que la direction, il y a aussi les profs qui sont menacés. Il y a 30% des profs qui ne viennent plus au collège."

Selon l’avocat du principal, il aurait fallu que l’encadrement du collège prenne la parole plus tôt. "Quand on ne s’exprime pas, quand il n’y a pas de contradictoire à une accusation, c’est désastreux, estime-t-il. Ça laisse les choses assez opaques, sans explications, et on a le sentiment qu’on a quelque chose à se reprocher. Je pense que les uns et les autres auraient dû s’exprimer, en disant: ‘Les choses ne sont pas si simples, beaucoup de choses ont été faites’. Bien sûr, ce n’est jamais assez. La preuve, c’est que cette jeune fille s’est suicidée. Il y a des regrets énormes au niveau de la direction du collège mais aussi des enseignants. Il y a un désastre, un drame qui s’est déroulé, donc oui il y a le sentiment peut-être de ne pas en avoir fait assez. Mais que fallait-il faire de plus? C’est la question au niveau de la direction et des enseignants."

LP