"Un message de désespoir": face aux absences de profs, un collectif lance une action contre l'Etat

La colère des parents d'élèves franchit un nouveau cap. Ce lundi, le collectif #OnVeutDesProfs annonce le lancement d'une nouvelle action en justice contre l'Etat français. Les griefs du collectif se concentrent sur les absences répétées de certains professeurs et enseignants, des classes de maternelle à la terminale. Plus précisément, 20 académies sont concernées par la requête en indemnisation des heures de cours non dispensées.
En France, les absences de courte durée de professeurs représentent environ 2,5 millions d’heures de cours perdues chaque année, selon un rapport de la Cour des comptes publié en décembre 2021. Problème: une solution de remplacement est trouvée dans seulement… 20% des cas, selon ce rapport qui se base sur l'année scolaire 2018-2019.
Représenté par l'avocate Joyce Pitcher, le collectif veut "assigner l'Etat devant les tribunaux administratifs pour lui demander qu'il paye 10€ par heure d'absence, pour le collège et le lycée, et 50€ par jour d'absence pour les maternelles et les primaires". Elle explique que l'acte du collectif "est vraiment la transmission d'un message de désespoir des parents qui ne savent plus comment faire".
"L'objectif, c'est vraiment de faire réagir l'Etat parce que les parents nous disent 'on a essayé vraiment de discuter'. Ils ont parlé au rectorat, ils parlent au chef d'établissement… Mais d'année en année, la situation se reproduit", affirme Me Pitcher, représentante du collectif #OnVeutDesProfs.
Des congés maternités pas remplacés
Dans "Les Grandes Gueules" ce lundi sur RMC et RMC Story, l'enseignante Barbara Lefebvre estime qu'il y a des "problèmes de fond, où dans certains quartiers on a des manques d'enseignants tous les ans". "Tous les ans, vous avez dans le 93 des parents qui se mobilisent pour dire 'on n'a toujours pas un enseignant', ou "notre prof a été absente pendant deux mois et il n'y a toujours pas de remplaçant", explique-t-elle.
Elle poursuit en expliquant que "dans le primaire, il y a une brigade qu'on appelle 'les volants', c'est-à-dire des gens dont le boulot, et souvent ce sont des jeunes profs, est d'être remplaçant et qui passent donc leur temps à circuler dans les écoles". Toutefois, Barbara Lefebvre explique que "pour le collège par exemple, c'est beaucoup plus compliqué, car quand vous n'avez pas de prof de maths pendant une semaine ou deux semaines, il n'y a pas de remplaçant".
Barbara Lefebvre prend alors pour exemple "des collègues", qui ont annoncé "des départs en grossesse et ils ne sont pas remplacés". "Donc la responsabilité aussi, c'est celle du rectorat et du ministère, ce n'est pas la faute des professeurs", clame-t-elle.
Des problèmes sur les notes
Au 32 16, Cédric, un auditeur RMC parent d'enfants scolarisés dans un collège du Val-de-Marne, met aussi l'accent sur les répercussions que ces absences ont sur la stabilité des notes attribuées aux élèves. "Quand des profs sont autant absents, qu'ils donnent deux ou trois notes par trimestre, cela veut dire que quand un élève se plante à un contrôle, c'est foutu pour lui", critique-t-il, précisant qu'il aimerait a minima obtenir les raisons des absences des professeurs de sa fille en 4e.
Alors Cédric l'assure, avec son autre enfant qui va rentrer en 6e, "en septembre, c'est le privé". "Terminé, je ne discute même plus", assène le père de famille.
En réponse, Laurent, un enseignant en Gironde, rappelle qu'il faut revenir "dans le passé" pour comprendre les raisons des non-remplacements de certains professeurs. "Dans les années 2000, on avait des titulaires de zone de remplacement, des profs qui n'avaient pas d'élèves et qu'on pouvait justement utiliser pour faire ce genre de remplacements". Mais selon lui, il n'y avait "pas une semaine sans que ça passe à la télé où l'on disait 'c'est inadmissible, des profs qui sont payés alors qu'ils n'ont pas d'élèves'. Donc que s'est-il passé? On a dissous les titulaires (...)", reproche l'enseignant.
Burn-out
Et Laurent l'assure: "Des collègues qui se sont absentés sans raison valable? Jamais. Il y a toujours une bonne raison, que ce soit une formation, une maladie, un enfant, etc.".
Une consoeur de Laurent, Valérie, professeure des écoles dans le Val-de-Marne, abonde en ce sens. Elle explique qu'elle "cumule deux emplois", et revendique donc "ne pas être une feignante". Mais cette année, "j'ai complètement craqué" dit-elle, précisant avoir fait "un burn-out". Un épisode qui lui a fait prendre une décision radicale, celle d'arrêter son emploi de professeur des écoles. Selon elle, "le système est à bout de souffle".
En réaction Laurent, le professeur de lycée girondin qui tente de défendre sa corporation, explique que l'emploi de Valérie en tant que professeur des écoles "n'est pas le même métier" que celui d'enseignant dans des niveaux supérieurs. "Ils ont plus de pression des parents, des classes qui sont assez surchargées… Donc quand un prof d'école n'est pas là oui, ça se voit beaucoup plus car c'est une journée complète d'absence", conclut-il.