"Expliquez-nous": Jean-Luc Mélenchon a-t-il tenu des propos antisémites?
Le CRIF, dénonce les propos inadmissibles de Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France Insoumise s’en est pris au conseil représentatif des institutions juives de France en commentant le résultat des élections britanniques.
Tout est effectivement parti de la cuisante défaite des travaillistes anglais de Jeremy Corbin jeudi dernier. Sur son blog Jean Luc Mélenchon a commenté cet échec de la gauche britannique en expliquant : Corbyn a subi des accusations d'antisémitisme de la part du grand rabbin d’Angleterre et des réseaux d’influence du Likoud, le parti israélien de Netanyahu. Et Jeremy Corbin, d'après Jean Luc Mélenchon, a commis l’erreur de s’excuser au lieu de riposter. Et il ajoute, "pour ma part, je ne céderai pas. Non à la retraite par point, non à l’Europe allemande et non aux génuflexions devant les Oukases arrogants du CRIF".
C’est cette dernière phrase qui a provoqué la colère du CRIF, mais qui a aussi été qualifié de “choquante” et d’ignoble par deux ministres du gouvernement.
Alors quels sont les mots qui choquent le plus dans cette phrase ? À peu près tous. D’abord le mélange des sujets. La retraite par point dans l’esprit de Mélenchon, c’est une attaque contre le peuple. L’Europe allemande, c’est l’Europe de l’argent, et il faut s’y opposer comme il faut s’opposer à l'arrogance du CRIF. Et ne pas faire de "génuflexion devant les oukases du CRIF". Oukase, ça veut dire “décret” en russe, mais dans le langage courant, c’est un ordre, une sommation. Et faire des génuflexions, c’est obéir, c’est montrer qu’on accepte la domination.
Des antécédents
En une seule phrase on a donc toute une série de clichés sur les Juifs : leur arrogance, leur volonté de dominer le monde, leur contrôle sur l’Europe de l’argent, et leurs attaques contre le peuple en l'occurrence à travers la réforme des retraites.
Ce n’est pas la première fois que Jean-Luc Mélenchon s’en prend au CRIF? Tout a commencé lors de l’affaire de la marche blanche en hommage à Mireille Knoll en mars 2018. Vous vous souvenez de cette femme de 86 ans, juive, tué de 11 coups de couteaux dans son appartement parisien. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen s’étaient rendus à la marche en son hommage. La famille de la victime avait fait savoir que tous les responsables politiques étaient bienvenus, mais le CRIF avait dit ne pas souhaiter la présence du Front national ni de la France Insoumise.
Finalement les députés mélenchonistes avaient violemment été pris à parti par des militants radicaux de la Ligue de défense juive et la police avait exfiltrer Jean-Luc Mélenchon et ses amis. Cinq jours après, sur son blog, Jean-Luc Mélenchon écrivait que cette épisode était pour lui une blessure qui n'était pas prête de se refermer. Mais il avait utilisé les mêmes mots que ce qui font débat aujourd’hui sur la domination des Juifs. Je le cite : “Le peuple français n’aime pas l'allégeance à un gouvernement étranger”. Ou encore: “Ce pays est à nous, nous les républicains. Il faut dénoncer la soumission au communautarisme. Et Jean-Luc Mélenchon ajoutait ceci: “J’ai la prudence de ne pas en écrire davantage de ce que je pense”. Sous-entendu, si je disais vraiment ce que je pense, on m’accuserait d'antisémitisme.
Des expressions ambiguës
Et effectivement, la question se pose: Jean-Luc Mélenchon, peut-il être accusé d'être d’antisémite ? Quand on se penche sur ces deux textes celui sur la marche blanche de Mireille Knoll et celui sur la défaite des travaillistes en Angleterre et il y a des mots et expressions qui sont très ambigus.
Quant à Jeremy Corbin, est-il vrai qu’il a été attaqué par le grand Rabbin d’Angleterre pendant la campagne, comme le dit Jean Luc Mélenchon ? C’est absolument vrai. Il a été attaqué par l’actuel Grand Rabbin et par son prédécesseur. Mais pas sans raison. Jeremy Corbin a reçu Paul Eisen, le plus célèbre révisionniste antisémite revendiqué d’Angleterre et il a assisté à une réunion de son mouvement.
Il a pris la défense de Stephen Sizer, un pasteur sanctionné par son église anglicane pour avoir accusé les Juifs d'être responsables du 11 septembre. Mais surtout, il a laissé se développer dans son parti une branche de jeunes, les Momentum, qui s’en pris personnellement à des personnalités juives du parti dans un climat détestable. Cela dit, l'antisémitisme supposé de Corbyn, n’est pas la raison de son échec. La vraie raison, c’est qu’il a été très mauvais sur la question du Brexit.