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"Expliquez-nous": le tirage au sort est-il l'avenir de la démocratie?

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Le travail de la Convention citoyenne sur le climat s’est achevé le week-end dernier.  On en a beaucoup parlé. La question qui se pose maintenant: faut-il généraliser ce type de démocratie par tirage au sort?

La démocratie par tirage au sort, c’est dans l’air du temps. C’est-à-dire, contourner la représentation nationale classique, c’est dire le Parlement et remplacer cette représentation élues, par des grands débats, des conventions citoyennes ou des référendums d'initiative populaire. 

Tout cela est la conséquence de la crise des “gilets jaunes”. Sur les ronds-points, il y avait deux revendications : le pouvoir d’achat et le référendum d’initiative populaire. Emmanuel Macron a répondu à la seconde revendication en organisant le fameux grand débat. Puis une alliance d’écologistes et de “gilets jaunes” lui ont demandé dans une lettre ouverte d’aller plus loin et de créer une assemblée citoyenne. Le réalisateur écolo Cédric Dion et l’actrice Marion Cotillard ont ensuite été reçus à l’Elysée et Emmanuel Macron leur a promis l’organisation de cette convention sur le climat. On connaît la suite. La convention a travaillé sept mois et a fait 150 propositions rendues publiques dimanche. 

La légitimité de cette assemblée, c’était le tirage au sort… Sauf que ces citoyens n’ont pas vraiment été tirés au sort. Ils ont plutôt été sélectionnés par un institut de sondage. L'institut Louis Harris a effectivement tiré au sort environ 200.000 numéros de téléphone. Parmi ces 200.000 personnes un tiers ont fait savoir qu’ils accepteraient de participer à cette convention. Et donc de passer plusieurs week-ends à Paris a travailler pour trouver des solutions pour réduire les gaz à effet de serre. Et les citoyens ont été choisis dans cette liste. Donc pas parmi les Français au hasard, mais parmi les 30% de Français suffisamment intéressé par les questions relatives au climat. 

Et ensuite les 150 élus, n’ont pas été choisi de façon aléatoire dans cette liste non plus. On a voulu qu’ils correspondent à la société française avec autant de femmes que d’hommes, la bonne proportion de Parisiens et de provinciaux, de diplômés que de non diplômés. Bref en vérité, on a constitué un panel représentatif, comme pour un sondage. 

L'exemple de la Grèce antique

Le tirage au sort, c’est une vieille revendication des écologistes. Depuis 10 ans par exemple la fondation Nicolas Hulot demande la création d’une troisième chambre en plus de l'Assemblée nationale et du sénat. Elle serait composée de 60 personnalités qualifiées et de 60 citoyens tirés au sort. Et le tout adossé à un conseil scientifique pour éclairer les parlementaires de cette troisième chambre. C’est donc assez proche de ce qui vient de se passer à la convention citoyenne et aussi lors de la crise du Coronavirus.
C’est l'idée que face à l’urgence climatique, les experts et les citoyens sont légitimes. Alors que les élus, les députés, les sénateurs, les maires et les conseillers régionaux, les ministres ne le sont plus. 

Les partisans du tirage au sort font remarquer que le système est aussi vieux que la démocratie puisqu'il existait dans la Grèce antique. En effet, il y a 2500 ans les Grecs tiraient au sort les représentants du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Et aussi les hauts fonctionnaires, et même les chefs de guerre. Les lois étaient donc préparées par 500 députés tirés au sort, mais elles devaient ensuite être votée par le peuple. Il fallait qu’au moins 6000 personnes se réunissent sur la colline de la Pnyx à Athène et votent à main levée les propositions de loi de l’assemblée, la Boulé.

Si l’on voulait s’inspirer des Grecs, il faudrait donc que les 150 propositions de la convention citoyenne soient soumise à référendum. Ce que ne souhaite pas la convention. Et ce qui n’est pas tranché pour le moment. 

Depuis la Grèce antique, est-ce qu’on a eu d’autres systèmes de démocratie par tirage au sort ? 

Presque pas. Il y avait un peu de tirage au sort à Rome. Quelques exemples au moyen-âge dans les républiques italiennes de Florence, Padou et Venise. Ca ne fait pas beaucoup d'expériences en 2000 ans. Aujourd’hui, les Irlandais ont des assemblées de citoyens tirés au sort qui ont par exemple aidé à légaliser le mariage homosexuel. 

Mais sinon il y a un grand système qui fonctionne par tirage au sort : ce sont les jurés populaires. En France, les criminels sont jugés par des citoyens tirés au sort depuis la révolution. Et ça marche bien. 

Les jurés sont tirés au sort sur les listes électorales. On n’a pas le droit de refuser sous peine d’amende. Et si le hasard désigne un jury entièrement féminin ou masculin, ou bien un jury très jeune ou très vieux. Et bien, c’est comme ça. Autrement dit, c’est un vrai tirage au sort. Pas une sélection de la convention citoyenne sur le climat.

Nicolas Poincaré