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Faut-il débaptiser les lieux qui portent le nom de l’abbé Pierre? L’avis tranché d’Arthur Chevallier

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Depuis un mois, des accusations sur l’abbé Pierre surgissent, et en cette rentrée plusieurs établissement réfléchissent à débaptiser les écoles qui portent son nom. Mais pour Arthur Chevallier, écrivain et éditeur, ces scandales sexuels n’annulent pas l’intégralité de son œuvre.

On découvre hélas avec l’abbé Pierre, comme d’autres avant lui, que bien faire et faire le bien sont deux choses différentes. Il a visiblement usé et abusé de son pouvoir pour assouvir des pulsions sordides avec les femmes. Quant aux accusations d’agressions sexuelles, au moins par sept femmes, elles sont entre les mains de la justice, et il ne convient pas à ce stade de les commenter. Ces pages doivent être ajoutées à sa biographie, sans pudeur ni détour. Mais ce nouveau chapitre de sa vie n’efface pas les autres, et les raisons pour lesquelles il a été aimé sont, elles, toujours valables.

Je pense qu’il ne faut pas agir sous le coup de l’émotion. Découvrir une chose qu’on ne connaissait pas sur quelqu’un, ça n’est pas déconstruire, c’est enrichir, enrichir sa connaissance pour le pire comme pour le meilleur. Ça s’appelle affronter la réalité. Et si on devait supprimer de l’histoire tous les personnages célèbres qui se sont comportés de façon inacceptable, on n’en finirait plus. Les monstres ne manquent pas: Louis XV achetait des jeunes filles vierges à leurs parents pour les dépuceler, Voltaire couchait avec sa nièce, Louis Althusser, un de nos plus grands philosophes, a étranglé sa femme après trente ans de mariage.

L'avis Tranché : Faut-il débaptiser l'abbé Pierre ? - 28/08
L'avis Tranché : Faut-il débaptiser l'abbé Pierre ? - 28/08
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Des parts d’ombre qui nuancent la légende

La vie d’un individu n’est pas faite d’un seul et même bloc. Elle comporte des parts d’ombre qui nuancent la légende. On peut, comme l’abbé Pierre, avoir résisté aux nazis, sauver des juifs, aidé les nécessiteux, et s’être en même temps comporté comme un salaud. Dans ces conditions, l’équité consiste à faire la part des choses. Sauver la vie des uns ne donne pas le droit de détruire celle des d’autres. Mais cela doit-il annuler l’intégralité de ce qu’il a fait? Après tout, l’abbé Pierre était populaire parce qu’il luttait contre la pauvreté, pas parce qu’il était exemplaire. L’erreur est surtout d’avoir cru qu’il l’était. Les grands hommes ne sont pas célèbres pour leur vertu, mais pour la façon dont ils ont marqué l’histoire.

L’abbé Pierre a aussi sa part de responsabilité puisque lui-même a donné beaucoup de leçon de morale. Ce qui a provoqué des attentes très hautes quant à sa personne. La chute est d’autant plus rude. Au fur et à mesure du temps, on découvre de plus en plus de choses, et fatalement des héros qu’on croyait idéals s’avèrent forcément décevants. A cause de leur comportement bien sûr, mais aussi de l’idée qu’on s’en fait. Le rôle de l’histoire est de corriger, mais pas de supprimer.

Arthur Chevallier