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Faut-il simplifier l’orthographe? Un grand débat entre linguistes

Les linguistes se divisent sur la nécessité ou non de simplifier l’orthographe. Les explications de Nicolas Poincaré dans "Apolline Matin" ce vendredi sur RMC et RMC Story.

Un collectif de linguistes propose de simplifier l'orthographe et dénonce les idées fausses sur la langue française. Leur livre s’appelle: "Le français va très bien, merci" (Gallimard). Et il va réjouir les cancres, ceux qui ont du mal avec l’autographe… Parce que ces 18 universitaires, linguistes et professeurs défendent l’idée que les fautes d'orthographes ne sont pas si graves. Puisqu’en fait, disent-ils, la langue française n’est jamais que du latin oral et bourrée de fautes.

Un exemple: en latin, on disait Formaticum pour fromage. On devrait donc dire “formage”, comme en italien “Formaggio”. “Fromage” est une faute au départ et ne l’est plus aujourd’hui parce que c’est entré dans l’usage. Les linguistes expliquent que ce qui valide l’évolution de la langue, c’est l’usage dans le long terme. Et ce qu’ils défendent, c’est que l’on pourrait favoriser les évolutions vers une orthographe plus simple.

L'orthographe française est horriblement compliquée. Qui n’est jamais pris d’un doute? Combien de c et de m dans “accommoder”? Combien de t et de p dans “attraper”? Dans ce livre, les auteurs se posent la question: pourquoi il n’y a qu’un seul t à compote mais deux t à carotte? Et si on acceptait les deux orthographes?

Ça peut sembler un sacrilège mais l’idée, c’est de changer notre rapport à la langue. Aujourd’hui, disent ces linguistes, nous sommes entre l’amour et la crainte. La crainte, la peur de la faute qui nous empêche d’aimer notre langue sans limite.

Et de plus en plus, nous sommes sauvés par les correcteurs automatiques, puisque nous écrivons de moins en moins au stylo, de moins en moins de manuscrits et de plus en plus de tapuscrits, avec des logiciels qui nous corrigent. Dès l'école, selon ces linguistes, il faudrait enseigner aux enfants à bien utiliser ces outils, plutôt que de leur infliger des dictées. Une idée qui va faire hurler les défenseurs de l'orthographe et de la dictée. Au premier rang desquels Pap Ndiaye, le ministre de l’Education, qui vient de donner des instructions aux maîtres d’école pour que l'on fasse des dictées tous les jours en primaire…

Des linguistes orthodoxes s’insurgent

Ce livre de linguistes qui se disent atterrés a déjà suscité une réponse de linguistes plus orthodoxes. Ceux qui leur répondent ont signé une tribune dans Le Figaro intitulée: "Le français ne va pas si bien, hélas". Et ils contestent point par point tous les arguments du livre. Non, le français ne va pas si bien. Non, l'écriture inclusive n’est pas un progrès. Non, le français n’est pas figé. C’est faux de dire que l'académie française est restée bloquée sur une grammaire qui date de 1932. Et c’est faux de contester que le français soit envahi par les anglicismes.

Les linguistes atterrés et les linguistes orthodoxes ont un vrai désaccord sur le participe passé après le verbe avoir. C’est la mère de toutes les batailles, le participe passé qui ne s'accorde que lorsque le COD est placé avant: les fleurs que j’ai offertes. Les linguistes atterrés voudraient que l’on accepte le participe passé invariable. On pourrait dire les fleurs que j’ai offert. “Horreur” s'écrient les auteurs de la tribune du Figaro. Valider une formule fautive sous prétexte que la faute est courante, autant supprimer l’enseignement de l'orthographe…

Mais il y a déjà eu des réformes de l'orthographe pour la simplifier. Et à chaque fois, les puristes hurlent. La dernière réforme, en 1990, n’était pourtant pas révolutionnaire. Elle autorisait par exemple d'écrire en un mot "portemonnaie", sans trait d’union, comme on écrit portefeuille. Ou bien elle autorisait à écrire “Cuissots de chevreuil” comme on écrit “cuisseaux de veau”. Parce que, figurez-vous, ça ne s'écrit pas pareil…

Nicolas Poincaré