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"Je me suis senti en danger": nouvelles accusations contre une professeure du conservatoire de Marseille déjà visée par des plaintes

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INFO RMC. Nouvelles accusations contre une professeure de chant du conservatoire de Marseille déjà visée par trois plaintes pour viol et agressions sexuelles. L’un de ses élèves est convoqué en conseil de discipline ce mercredi, après une altercation verbale avec l'enseignante qui exerce donc toujours et n’est pas suspendue.

Certains élèves du conservatoire Pierre Barbizet de Marseille accusent l'établissement de protéger à tout prix une professeure, sans se soucier des élèves. Celle-ci est visée par plusieurs plaintes pour agressions sexuelles mais n'a pas été sanctionnée. Un élève de l'établissement assure qu'elle l'a agressé verbalement. Mais c'est lui qui est convoqué ce mercredi en conseil de discipline.

Dès le premier cours de chant lyrique, Gabriel* a trouvé que quelque chose n'allait pas. "Cette professeure a un charisme incroyable. Mais elle a tout de suite été très proche des élèves. Je suis attaché à une forme de distance", détaille le jeune homme.

Dès le cours suivant, son intuition se mue en rejet. Il raconte que la professeure multiplie les remarques déplacées. Sur le physique, d'abord: "Elle a fait une obsession sur ma taille, très fine selon elle". Puis, elle instaure une ambiance sexualisée.

"Elle clamait des choses comme 'vous allez voir, je dis beaucoup de choses cochonnes'. Ou encore: 'le son, il faut que ça sorte du cul'", raconte le jeune homme, choqué et embarrassé.

Lui est outré. Il s'en ouvre à l'administration, qui mène à ce moment-là une enquête interne sur les agissements de cette professeure, suite au dépôt de trois plaintes pour viol, agressions sexuelles et harcèlement par trois élèves. Mais rien ne bouge.

Gabriel décide d'agir. Il a remarqué que les méthodes pédagogiques de cette enseignante ne lui convenaient pas. Après ses cours, il a des maux de gorge. "J'ai dû consulter en urgence un ORL après seulement deux cours. C'est là que j'ai demandé à changer de professeur", explique-t-il. Dans un mail, il décrit son angoisse de se rendre en cours avec cette enseignante. Mais l'administration refuse. Il choisit de ne plus assister au cours que cette professeur dispense, alors même qu'il s'agit de sa matière principale.

"J'ai cru qu'elle allait me gifler"

Il y a un mois, Gabriel expose son avis à une autre élève dans le hall du conservatoire. Il ne voit pas l'enseignante arriver dans son dos. Selon Gabriel, elle ne supporte pas de l'entendre critiquer ses méthodes, et s'en prend verbalement à lui.

"Elle était agressive, elle criait presque. Elle m'a dit 'c'est de la diffamation, je pourrais porter plainte'. Honnêtement, j'ai cru qu'elle allait me gifler", raconte-t-il.

Dans le hall, malgré les nombreux témoins, personne ne bouge selon Gabriel. Le jour même, il prévient l'administration des événements, dans un mail que nous avons pu consulter. Il annonce avoir été "agressé" par cette enseignante. "Face à ses menaces et à l'agressivité de ses propos, je me suis réellement senti en danger", écrit-il. "Je pensais qu'ils allaient me proposer un rendez-vous, pour en parler, confie le jeune homme ce mardi. Mais rien, aucun appel, aucun mail".

Aucun mail, jusqu'à jeudi dernier, quand Gabriel est convoqué en conseil de discipline. Il est accusé d'avoir agressé l'enseignante. "Il n'y a pas de doute possible dans ma convocation: on y va pour discuter de ma 'sanction'. On a vraiment l'impression que la protection de cette professeure problématique, disons-le, passe avant la protection des élèves. On se sent abandonnés", soupire l'étudiant. Il assure ne pas être le seul à avoir déserté les cours de cette enseignante. La moitié des élèves ont préféré changer face à son attitude.

Pourtant, elle n'a jamais été sanctionnée par le conservatoire, malgré les enquêtes internes et l'enquête pénale qui la visent faute "d'éléments probants", selon l'avocat du conservatoire, Maître Christophe Pinel. Si les conclusions des enquêtes internes diligentées pour faire la lumière sur les faits reprochés à cette professeure de chant tardent, il assure qu'elles "ne comportent pas d'élément criant, d'évidence flagrante de la culpabilité de l'enseignante".

Aberrant pour l'avocat de Gabriel, Armand Feste-Guidon.

"Cette femme est visée par deux enquêtes internes du conservatoire, mais aussi une enquête pénale du procureur de la République. Pourtant, elle n'a jamais fait l'objet de sanctions disciplinaires. Nous demandons les raisons de cette absence de sanctions au conservatoire depuis septembre. Sans réponse. Le conservatoire semble pourtant être capable de mener des procédures disciplinaires, mais uniquement contre les élèves, comme mon client, qui a dénoncé les méthodes de cette professeure, et le climat sexualisé de ces cours", dénonce-t-il.

Une sanction disciplinaire pour Gabriel?

Cette décision du conservatoire va à l'encontre de l'air du temps pour l'avocat. "On a eu le MeToo Cinéma, avec Judith Godrèche et toutes les autres, qui a permis la libération de la parole et surtout la mise en accusation de ces divas du cinéma. Aujourd'hui, on a un MeToo du chant lyrique, mais la parole de ces divas-là, elle est toujours préservée, valorisée par le Conservatoire. En revanche, la parole des victimes est mise au ban, on ne veut pas l'entendre", accuse-t-il.

Le conservatoire, lui, assure adopter une "posture de neutralité". "Le conservatoire est garant de la sécurité des élèves, et de celle des professeurs", pointe-t-il. Immédiatement après les accusations de faits de viols et d'agressions sexuelles, l'établissement a saisi le procureur de la République, qui a ouvert une enquête préliminaire. Elle est toujours en cours. "Aucune décision ne peut être prise tant que nous n'avons pas les résultats de l'enquête pénale", estime l'avocat du Conservatoire. "Pour l'instant, il n'y a aucun élément de preuve qui permette de dire si les accusations sont fondées ou non".

Gabriel, lui, passera ce mercredi en audience disciplinaire. En cas d'exclusion de l'établissement, il envisage de porter plainte contre le conservatoire.

*Le prénom a été modifié

Lucile Pascanet avec Guillaume Descours