La présidentielle se joue à Marseille

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h25 sur RMC. - -
Les Marseillais sont toujours à la fois flattés et horripilés de voir leur ville montrée du doigt. Donc on peut parier que ces deux sentiments se mélangent quand Marseille se change pour une journée en capitale politique de la France, comme hier. C’est vrai que la ville concentre les problèmes du pays de façon amplifiée. Le chômage a un peu diminué mais la pauvreté a augmenté, les tensions sociales aussi et également les tensions entre les communautés, alors que Marseille a longtemps été un modèle d’intégration. Et bien sûr, il y a la sécurité, qui s’est dramatiquement dégradée. Eh bien l’addition de tous ces problèmes soumet le gouvernement – et les politiques en général – à une sorte de test symbolique. Un test qui va mesurer la capacité du politique à vaincre le fatalisme, le renoncement, pour résoudre les difficultés quotidiennes de la population. A Marseille et ailleurs.
Claude Guéant a annoncé le renforcement des effectifs policiers, mais il a dit que ce ne serait pas suffisant. Il a raison ?
Forcément, puisque l’Etat n’a pas les moyens d’envoyer toujours plus de policiers. Il faut bien trouver d’autres méthodes. En fait, le message de Guéant, c’est surtout celui du volontarisme – ce qui avait fait la force de Nicolas Sarkozy avant 2007, sa réputation d’homme d’action. C’était d’autant plus fort que les statistiques n’étaient pas si bonnes – il y avait une sorte d’effet d’optique positif. Aujourd’hui, les chiffres ne sont pas si mauvais, mais la population ne le ressent pas comme ça – parce que les actes de violence augmentent et parce que la police donne l’impression de laisser faire. A Marseille, c’est ce qu’a mis en évidence cet été l’affaire de ce parking du centre-ville abandonné par la société qui l’exploitait et contrôlé par des voyous. Dans d’autres domaines, c’est aussi le sentiment qu’ont pu susciter les grèves à répétition des éboueurs et des dockers depuis deux ans. Comme si la ville entière était devenue une zone de non-droit…
Martine Aubry a critiqué sur place l'échec du gouvernement sur la sécurité. C'est de bonne guerre?
Si on veut. Hélas, on ne peut pas dire qu’en matière de respect de la loi, les socialistes montrent l’exemple à Marseille. Je pense bien sûr à la mise en cause par la justice de Jean-Noël Guérini, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône – et au-delà, tout ce que révèle cette affaire sur le système clientéliste qui régit encore la vie politique marseillaise et sur la veulerie des dirigeants nationaux qui n’ont pas le courage de le renverser. Regardez ce qu’il a fallu de tergiversations et de palinodies pour que François Hollande et Martine Aubry dénoncent – du bout des lèvres – des pratiques que la justice qualifie d’«association de malfaiteurs» ! Là aussi, ce qui est en cause, c’est la capacité des politiques à reprendre la main, à ne pas se résigner devant les situations acquises. Sinon, on sait bien qui peut tirer les marrons du feu – surtout dans le sud de la France…
Le Front national ?
C’est clair. Le FN a été réduit en 2007 par le volontarisme sarkoziste – dans toute la France, et notamment à Marseille. Mais l’extrême-droite est remontée spectaculairement aux dernières cantonales – plus de 30% sur l’ensemble de la ville. Dans l’état d’exaspération des habitants, pour enrayer ce mouvement d’ici 8 mois, il va falloir plus que des discours : des actes. Et encore plus que des actes : des résultats. Les Marseillais veulent bien que leur ville soit la capitale de la parole, mais de la parole tenue.
Ecoutez ci-dessous "Parti pris" de ce mardi 30 Août 2011 avec Hervé Gattégno et Jean-Jacques Bourdin :