Le bar-tabac PMU est-il toujours populaire?: "On est restés bloqués sur un imaginaire des années 80"

Le bar-tabac PMU est-il toujours aussi fréquenté? Cet endroit qui pour beaucoup représente une image de la France populaire, aussi bien rurale qu'urbaine, est un lieu de sociabilisation et de consommation.
On y mange, prend un café ou une bière sur le comptoir en zinc, fait un tiercé et achète du tabac. L'odeur de tabac justement (froid) et son nuage de fumée stagnant au plafond ont longtemps été associés au lieu, puisqu'on a pu y fumer à l'intérieur jusqu'au 31 décembre 2007, avant l'application de la loi Evin.
Les politiques l'investissent toujours... en campagne
Dans les quartiers des villes ou bien dans le village, il est souvent positionné à un endroit stratégique, véritable point de repère sociologique et géographique. Des gens y vont tôt le matin, y cassent la croûte le midi et d'autres se retrouvent le soir après le travail.
Mais cette représentation est-elle aujourd'hui toujours d'actualité ou bien simplement le fantasme d'une autre époque? Jean-Laurent Cassely, essayiste, est l'auteur d'une note gratuite La France des bars-tabacs, réinventer le dernier commerce populaire. "On est restés bloqués sur un imaginaire des années 80-2000, où toutes les couches de la population s'y retrouvaient", concède-t-il ce dimanche, au micro de RMC.
Devenu ringard ou pas, le bar-tabac PMU est en tout cas toujours investi par la classe politique lorsqu'il s'agit de s'adresser à la frange "populaire" de son électorat, pour prouver une connexion au terrain, au réel.
Dernier exemple en date: la venue à l'improviste d'Emmanuel Macron dans un bar PMU à Hirson (Aisne), en janvier. "Cette visite impromptue, sans en avertir la presse, "correspond à une volonté d'échanger directement avec des Français de manière désintermédiée", indiquait son entourage.
"Les Français restent attachés à l'idée du bar-tabac populaire, authentique et convivial. Mais est-ce qu'on aime y aller? Dans les faits, on y va moins qu'avant", explique Jean-Laurent Cassely
Pourquoi? "Dans les grandes villes, il y a beaucoup d'offres commerciales" qui se sont installées "depuis 10-15 ans", constate l'essayiste, qui évoque notamment la prolifération des enseignes "à la mode" comme les "coffee-shops et les cafés-boulangeries".
Pour autant, les bars-tabacs PMU ne sont pas déserts. Simplement, "il sont devenus des espaces de refuge pour une clientèle populaire qui ne fréquente pas ces endroits", poursuit Jean-Laurent Cassely. "Il y a eu un rétrécissement de la base sociale."
Boire sa bière ou son café... chez soi
Si s'est mis en place un "contournement" de ces établissements, tous ne vont pas ailleurs. Certains préfèrent désormais leur chez-soi. "Beaucoup ont une très bonne machine à café, avec des capsules. Il y a aussi un évitement des lieux publics".
Fini donc ce grand brassage où le patron et l'ouvrier pouvaient boire une bière au même endroit? Ce n'était pas ce qui était recherché de base, réfute Jean-Laurent Cassely. Selon la commune, c'était le seul établissement disponible. "Les gens ne rentraient pas dans le bar-tabac pour la mixité sociale mais pour acheter des clopes, un café, jouer". Aujourd'hui, plusieurs types de Français et de Françaises se rendent dans un bar-tabac mais sans forcément se croiser, à des moments différents de la journée, selon leurs besoins.
Multi-services
Car le bar-tabac PMU est un établissement multi-service, qui propose de la restauration, des jeux d'argent, du tabac et parfois même la presse. Au-delà du PMU et les courses hippiques, les bars-tabacs sont majoritairement les endroits où l'on peut retrouver les jeux de grattage de la Française des jeux (FDJ).
D’après les données de l’Insee, citées par Le Monde, sur les 170.000 débits de boissons ouverts en France en 1958, il ne restait que 34 600 établissements en 2021. Sont-ils voués à disparaître? Pas tous. Certains "se transforment, ils se sont adaptés", étaie Jean-Laurent Cassely. Une adaptation inélectuable, notamment parce que les Français fument de moins en moins.
Les propriétaires de ces établissements sont des indépendants, rappelle-t-il et non des franchisés. Ils profitent donc d'une grande liberté pour se réiventer. "Pour peu qu'ils prennent le problème à bras le corps, ils ont encore beaucoup de chose à offrir", conclut-il.